Des folles de Saint-Germain-des-Prés au fléau social.

Le discours homophile contre l'efféminement dans les années 50 : une expression de la haine de soi ?

 Georges Sidéris - 2000

 

Saint-Germain-des-Prés années 50 : au coeur du Paris du « troisième sexe ».

            Saint-Germain-des-Prés se présente dans les années cinquante comme la scène principale de la vie homosexuelle masculine parisienne. Comme le mentionne en 1954 un article paru dans L'Unique, revue de l'anarchisme individualiste, « ce quartier est devenu le P. C. de l'homosexualité »[1]. Saint-Germain est le lieu de ce que l'on appellerait aujourd'hui la « visibilité gay ». La vie homosexuelle toutefois ne se résume pas au seul quartier de Saint-Germain dans ces années cinquante. La rue du Colisée et l'avenue Gabriel, les Champs-Elysées et autour de la place de l'Etoile, Montparnasse, Montmartre et la rue des Martyrs, la gare Saint-Lazare, la Montagne Sainte-Geneviève célèbre pour son bal où « les hommes sont en robe du soir, les femmes en pantalon », Pigalle, la rue de Lappe près de la Bastille et les grands boulevards en général sont très fréquentés[2]. Il faut ajouter à cette liste les lieux traditionnels de la drague homosexuelle parisienne que sont les parcs et jardins, les bois de Boulogne et de Vincennes, les quais de Seine, les Tuileries, le Champ de Mars, les établissements de bains[3]. Notons enfin l'apparition des premiers lieux homosexuels, ou fréquentés par des homosexuels, au cours des années cinquante dans le quartier de la rue Sainte-Anne[4].

Mais Saint-Germain semble occuper une place particulière dans la géographie et la sociabilité homosexuelles du temps. L'air de liberté, la fête, le mouvement, l'esprit non-conformiste qu'insufflent les existentialistes avec Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, la présence de nombreux artistes et écrivains, des salles de théâtre où l'on joue des pièces engagées, en résumé une attitude plus ouverte et tolérante expliquent vraisemblablement en partie cette présence homosexuelle à Saint-Germain. On peut croiser Jean Genet, Cocteau ou Jean Marais[5]. Les homosexuels s'affichent librement dans les cafés, en particulier au Flore, à la Reine Blanche, au Royal Saint-Germain, à la Pergola[6].

(publicité in Der Neue ring (RFA, déc. 58)

Le Fiacre, au 4 rue du cherche-midi, un bar-restaurant spécifiquement homosexuel est particulièrement connu et apprécié. Il attire une clientèle internationale comme l'écrivain Christopher Isherwood en 1955 et l'été le flot des consommateurs déborde jusque dans la rue. La drague homosexuelle est particulièrement active dans les vespasiennes, comme dans tout Paris, et les appartenances sociales y sont plus variées. La présence régulière de ces édicules qui rythment le boulevard Saint-Germain et ses alentours, offre au visiteur infortuné une nouvelle chance, un peu plus loin, en cas d'insuccès premier[7]. La vie homosexuelle germanopratine est reconnue et encouragée par la presse homosexuelle de l'époque. Ainsi, Futur, un journal homosexuel qui paraît dans la première moitié des années cinquante, célèbre en octobre 1952 : « Saint-Germain-des-Prés, capitale du non-conformisme, le seul lieu de Paris où l'on peut se distraire selon ses goûts »[8].

Saint-Germain offre ainsi le spectacle d'une vie homosexuelle libre et décomplexée, où se côtoient différents styles d'homosexualité. Le quartier est célèbre également par les « folles », qui ne lui sont pas spécifiques, mais qui se remarquent par leur attitude efféminée, leurs habits, leur démarche ondulante, parfois le maquillage et surtout leur façon de parler, souvent ponctuée d'exclamations, leurs cris aigus qui les démarquent des autres homosexuels[9].

 

Homosexualité, efféminement et répression.

           Cette effervescence homosexuelle n'est pas du goût de tout le monde et, en particulier, des pouvoirs politiques de l'époque ou des forces de l'ordre. Dans un discours, prononcé lors de l'Assemblée Générale de l'Organisation Internationale de Police Criminelle (Interpol) de 1958, le directeur de la police judiciaire à la préfecture de police de Paris, après avoir exposé différents affaires concernant la prostitution, le chantage ou le meurtre impliquant l'homosexualité, présente le milieu homosexuel comme « un milieu favorable à la délinquance », voire « un "bouillon de culture", où éclosent les virus criminels ». Cette approche pathologique de l'homosexualité sert à justifier la suite de l'exposé qui constitue, en fait, le véritable objet du discours. Le directeur de la P. J., en effet, ajoute : « On imagine dès lors aisément les dangers que peuvent présenter le prosélytisme et la publicité homosexuels. » [10] Cette préoccupation sur la manifestation publique de l'homosexualité semble bien être le point de focalisation du discours dans la mesure où elle est répétée par le directeur : « Ce qui force notre attention et qui est de nature à faire croire à un accroissement de l'homosexualité en France, c'est que depuis quelques années, elle se fait plus voyante. Ses adeptes se rencontrent dans certains lieux publics, cafés, bars, cabarets, dont ils constituent la presque unique clientèle ; ils se signalent parfois par un comportement extérieur particulier, par le vêtement notamment qui, sans même parler du travesti interdit par le règlement, trahit aux yeux de tous, les moeurs de certains éphèbes, par la décoloration des cheveux, par le maintien général dont le maniérisme ne laisse aucun doute dans l'esprit »[11].

La visibilité homosexuelle pose donc problème, et en particulier les efféminés, parce qu'ils sont les plus voyants. Cette inquiétude relaie en fait des préoccupations dont une des sources essentielles est à chercher, depuis la seconde guerre mondiale en France, dans l'attitude des pouvoirs politiques.

 

Une « criminalisation » progressive de l'homosexualité.

Depuis la Révolution et jusqu'à l'Etat Français, l'homosexualité n'est pas un délit en France, bien qu'elle souffre de préjugés sociaux et parfois de poursuites judiciaires en cas de manifestation publique pour cause d'outrage public à la pudeur[12]. La situation change le 6 août 1942. Le maréchal Pétain signe une ordonnance qui punit quiconque aura commis un ou plusieurs actes impudiques ou contre nature avec un mineur de son sexe âgé de moins de 21 ans. Ce texte est inscrit dans l'article 334 du code pénal concernant la prostitution, le proxénétisme et la débauche[13].

On pourrait s'attendre à ce que cette mesure disparaisse du fait de la Libération. Il n'en est rien. Elle est reconduite par le Gouvernement Provisoire en février 1945[14]. Par ailleurs une ordonnance du 2 juillet 1945 porte de 13 à 15 ans l'âge au-dessous duquel toute relation entre un adulte et un enfant est considérée comme un crime[15]

La condition pénale de l'homosexualité vient en quelques années de connaître une profonde transformation. Le traitement discriminatoire opéré envers les actes homosexuels entre adultes et mineurs (15 ans pour les actes hétérosexuels, 21 ans pour les actes homosexuels), fait que, par rapport à l'hétérosexualité, l'homosexualité est désignée comme une orientation non-souhaitée. Cette mesure laisse le champs libre à une éventuelle « criminalisation » progressive de l'homosexualité dans les années quarante et cinquante. C'est ce qu'une étude, menée à l'époque par Daniel Guérin, sur la répression de l'homosexualité en France, laisse entendre. L'écrivain observe, à partir des statistiques annuelles publiées par le ministère de la Justice, que le nombre des condamnations va en s'accroissant de 1945 à 1954 et que les peines s'aggravent[16]. Cependant, les relations homosexuelles entre adultes consentants et dans un cadre privé sont toujours licites. Ceci établit une différence essentielle avec la condition des homosexuels en Allemagne ou en Angleterre[17]. Par comparaison, la France fait figure de pays beaucoup plus libéral. Il ne faut donc pas peindre un tableau « noir » de cette période d'après-guerre. Et, comme nous l'avons vu, la vie homosexuelle à Paris est très active alors.

Les prises de position de la presse et des militants homosexuels de l'époque reflètent cette situation nuancée.

Ainsi, le journal Futur, qui paraît dans la première moitié des années cinquante, dirigé par Jean Thibault [18], affirme clairement son goût pour le mode de vie homosexuel à Saint-Germain[19]. Futur ne cesse de dénoncer les contrôles policiers, en particulier à Saint-Germain, et l'attitude moralisante, du MRP, en particulier du député Pierre-Henri Teitgen[20]. Futur met en exergue cette formule : Tartufe est méprisable et haîssable, mais Tartufe règne sur les pouvoirs[21]. Même si Futur ne semble pas apprécier le Pigalle d'avant-guerre où « que d'homosexuels de tous genres s'affichaient, que de petits jeunes gens ostensiblement maquillés déambulaient ! », il maintient toujours son plaisir de la vie homosexuelle à Saint-Germain[22]

Pourtant, l'attitude de Futur n'est pas partagée par tous dans le milieu homosexuel, et en particulier par les revues homophiles qui établissent un distingo entre homosexualité et efféminement.

 

L'homophilie.

L'homophilie recouvre plusieurs réalités. Le terme, composé à partir des racines grecques « homos », semblable, et « philein », aimer, signifie « attirance affective envers son semblable »[23]. L'homophilie désigne une réalité qui veut appréhender l'être homosexuel non seulement à travers sa sexualité mais surtout dans sa globalité. Elle est considérée comme une nature qui nécessite, en tant que telle, respect, découverte et étude[24]. Par homophile, on désigne également le mouvement homosexuel international ,qui lutte à l'époque pour la réforme de l'opinion publique, c'est-à-dire la remise en question des préjugés moraux à l'encontre de l'homosexualité, pour l'abolition des législations discriminatoires vis-à-vis des homosexuels et pour la promotion de l'égalité sexuelle dans tous les domaines[25]. Le Comité International pour l'Egalité Sexuelle, en anglais ICSE, joue un rôle important pour le mouvement homophile, par ses congrès, la publication d'une brochure périodique intitulée Newsletter, et les liens qu'il permet d'établir entre les différents groupes nationaux[26]. Le terme homophile est également employé depuis quelques années pour désigner la période de l'histoire homosexuelle qui va de l'après-guerre à la fin des années soixante[27], c'est-à-dire avant l'apparition des mouvements révolutionnaires d'émancipation homosexuels, comme le Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire (F.H.A.R.) en France en 1971,[28] et aux Etats-Unis jusqu'aux événements de Stonewall du 27 au 30 juin 1969 et la naissance du Gay Liberation Front[29]. Les idées homophiles sont diffusées et adaptées en France par la revue mensuelle Arcadie, et dans les autres pays, en particulier par les revues, Der Kreis ( Le Cercle ) en Suisse, Vriendschap aux Pays-Bas, Mattachine Review et One aux Etats-Unis [30].

 

Arcadie et la vision de l'efféminement : une diversité d'attitudes.

En 1960, Le Cercle dénonce à l'occasion de la sortie d'un roman intitulé Les Particuliers : « Le pire dans ce livre est ce ton voulu de "batifolage", de préciosité toute féminine qui est bien ce qu'il y a de plus écoeurant chez des hommes. Vous aurez l'image exacte du roman en allant faire un tour à St. Germain de Prés, que ce soit au Flore ou au Fiacre. Cela tend à donner au public l'impression que le monde homosexuel est composé d'êtres futiles, féminins [,] »[31].

Dès le premier numéro d'Arcadie, en janvier 1954, Jean Cocteau, dans un message qui ouvre la revue, parle de « l'homosexualité - (qu'on a la fâcheuse tendance de confondre avec la prostitution et l'efféminement) [,] »[32]. Dans le deuxième numéro d'Arcadie, Suzan Daniel déclare, « Un dernier aspect de l'homosexualité que je tiens à signaler est celui de l'exhibitionnisme dans le comportement et la tenue vestimentaire que les invertis des deux sexes ont tendance d'afficher [,] les homophiles efféminés plus particulièrement exagèrent souvent en ce sens et ces manifestations extérieures, assez vaines, ne font que jeter davantage le discrédit sur eux. »[33] Marc Daniel écrit l'année suivante, « Vous parlez beaucoup d'un certain monde androphile, - celui qui évolue entre les bars des Champs-Elysées et ceux de Saint-Germain-des-Prés -, élégant et bichonné, plein de délicatesses et de ridicules [,] Sans doute ce monde-là existe, [,] mais je crois bien qu'il n'existe que là, ou, de juin à septembre, sur la Croisette »[34]. En 1956, Alain Guel écrit dans un article sur la virilité, « Il y a une grande différence entre l'homme féminin et l'homme efféminé. Celui-ci possède tous les défauts de la femme avec les vices de l'homme. Je l'ai vu souvent avoir l'âpreté des vieilles femmes et la violence des brutes »[35].

Encore, en 1959, un texte décrit ainsi Saint-Germain et ses efféminés : « Il était 23 heures. Je ne me pressais pas, curieux une fois de plus, devant le carrefour Saint-Germain-des- Prés, de regarder "leur" tête, "leur" silhouette, d'observer [,] le piétinement des garçons de joie, les pas des avides, ceux des enjoués, ceux des quatre-cinq amis triomphants d'assurance et de défi dans leur marche saccadée, bruyants, poussant des exclamations aiguës, la main dans la main ou le bras sur l'épaule, parés d'un mélange d'accoutrements américains et Saint-Germain-des-Prés. Quelle foire, quel étalage devant chaque café ! »[36]

Il est peu utile d'accumuler les citations. Nous mentionnerons deux extraits d'André Baudry, qui revêtent, au vu de sa position dirigeante au sein d'Arcadie, une importance particulière. André Baudry est en effet le fondateur et le directeur d'Arcadie, qui est à la fois une revue homophile et, à partir de 1957, un club privé sous forme de SARL, intitulé : Club Littéraire et Scientifique des Pays Latins (CLESPALA)[37] . Professeur de philosophie, il est fortement influencé par la spiritualité catholique. Plusieurs auteurs le mentionnent comme ancien séminariste[38]. Il est d'ailleurs surnommé à l'époque le pape des homophiles[39]. Un de ses proches, Marc Daniel, compare les banquets d'Arcadie à « de grandes cérémonies liturgiques où officie au maitre-autel [,] le souverain Pontife André Baudry, »[40]. En 1958, André Baudry déclare : « Il ne faut plus - ni pour les grands, ni pour les petits - ni pour les savants, ni pour la masse - que l'homosexualité soit synonyme de névrose ou d'exhibitionnisme ou d'effémination. »[41] Ces attaques sont renouvelées en novembre 1961, André Baudry écrit dans la revue en parlant de Saint-Germain : « Les homophiles ne veulent pas être confondus avec ces caricatures, ces marchands d'amour ou d'étreintes, ces exhibitionnistes, ces "garçons qui n'ont plus rien d'un garçon". C'est entendu »[42]. Ainsi, l'efféminement est mis en cause dans Arcadie, régulièrement, par des auteurs variés des deux sexes, et jusqu'au plus haut niveau de la revue[43].

Une telle position ne laisse pas d'étonner venant de revues homosexuelles. N'est-il pas pour le moins contradictoire de lutter pour l'abolition des discriminations qui touchent les homosexuels, comme le veut le mouvement homophile, alors que dans le même temps l'on stigmatise un mode de vie, une façon d'être, au sein de son propre groupe d'appartenance ? Ne doit-on pas envisager une telle position comme l'expression d'une forme de haine de soi[44] ?

Cette question se pose d'autant plus à propos de la vie à Saint-Germain, marquée par la présence des folles et des efféminés, ce quartier étant le principal lieu de la sociabilité homosexuelle après-guerre. Or, ce cadre de sociabilité urbaine, qui permet à des homosexuels d'établir et d'entretenir des relations avec d'autres homosexuels, est fondamental dans l'élaboration d'une identité spécifique[45].

Il faut voir que, d'une façon générale, l'efféminement est condamné par la culture occidentale contemporaine depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle jusqu'à la première moitié du XIXe siècle, comme opposé au stéréotype de l'idéal masculin de virilité. Les Juifs et les homosexuels sont présentés comme des êtres efféminés, incapables d'atteindre cet idéal, comme des contretypes de cet idéal. Dans cette représentation l'homosexuel trouble et menace l'ordre idéal de virilité, en ce qu'il abolit en lui ce qui devrait être la nette séparation des sexes [46] . La question des rapports entre homosexualité et féminité à travers la problématique de « l'inversion », traverse non seulement les discours hostiles aux homosexuels mais se retrouve également, entre la seconde moitié du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle, dans les réflexions et préoccupations des homosexuels eux-mêmes[47]. Comme le note George Mosse, les histoires d'amour dans les revues homosexuelles entre 1929 et 1979 mettent en exergue l'idéal de la virilité normative à travers l'évocation de « beaux jeunes hommes »[48].

A la lumière de ces éléments, on pourrait déduire des remarques du Cercle et d'Arcadie une tendance à intégrer la stigmatisation dont les homosexuels sont l'objet.

Il nous faut cependant nuancer le propos. Les opinions émises par Arcadie à l'encontre de l'efféminement, ne sont certes pas élogieuses, mais elles relèvent souvent davantage, dans les années cinquante, de la réprobation que de l'hostilité.

L'efféminement, en effet, est contraire à la conception qu'Arcadie se fait de l'homme homophile dans son être même. Pour Arcadie, l'homosexualité est une nature, une variété de la sexualité[49]. Arcadie recherche activement, de ce fait, à éclairer son lectorat, au fil de ses articles, sur les causes physiologiques, psychologiques, psychanalytiques de l'homosexualité. André Baudry exprime clairement cette position dès les débuts de la revue, dans un article d'importance de 1954, puisqu'il l'intitule "Arcadie", et où il déclare : « Partout, des hommes, des femmes, pour l'éternité, étaient homophiles, resteraient homophiles, comme ils étaient nés homophiles. » et plus loin : « Sur le plan métaphysique, biologique, sociologique, psychologique nous tenterons, mois après mois, d'établir les bases de l'homophilie. », « Ai-je vu l'homosexuel ? Oui, une même nature, un même désir, une même "essence", mais combien d'"existences" »[50].

Il faut préciser qu'André Baudry connaissait le rapport Kinsey, qu'il mentionne dès le premier numéro d'Arcadie[51].

Il en ressort que, pour Arcadie, l'homophile est un homme qui aime les hommes et, qui, de ce fait se confond avec les autres hommes. Position qu'André Baudry exprime clairement : « Arcadie a au moins le mérite de vouloir faire un peu la lumière, et de vouloir les homophiles perdus parmi les autres, sans singularités, sans excentricité »[52]. Il est vraisemblable que c'est l'efféminement qui est visé par les mots singularité et excentricité. L'efféminé se démarque ainsi de ce comportement de l'homophile, fait tout de discrétion, dont le résultat souhaité et souhaitable est que dans la société, « Rien ne le distingue » et qu'il s'intègre[53].

Une tendance à Arcadie rejoint les conceptions « virilistes » de la normalité ambiante à cette époque. L'homophile est appelé à rejoindre le groupe des mâles, ou tout au moins en apparence : « Certes, il y a, il y a toujours eu des efféminés, chiffonniers, parfumés, des demi-femmes[,] Les homosexuels représentatifs d'aujourd'hui sont d'un tout autre style, solides garçons [,] athlètes à l'américaine, jeunes faux mâles en blouson de cuir et blue-jeans, »[54] .

Cette position, cependant, n'est pas partagée par tous. Pour certains, l'homophile est, certes, un homme, mais qui est, en réalité, psychologiquement une femme[55].

Cette divergence dans les conceptions fait que l'on perçoit une variation dans les attitudes vis-à-vis de l'efféminement. Suzan Daniel par exemple condamne les manifestations extérieures « exagérées » des efféminés. Mais elle ne rejette pas l'efféminement qui, à ses yeux, est une forme de l'homophilie.

Les positions d'Arcadie sont, de ce fait, marquées par une certaine ambivalence au cours des années cinquante. Les articles dans la revue réprouvent dans un premier temps l'efféminement mais sans plus. Une circulaire aux abonnés d'Arcadie de juin 1956 condamne les attitudes efféminées, mais celles-ci, semble-t-il, sont considérées comme un simple simulacre de l'homosexualité, un jeu, une manie fantasque de provoquer en adoptant un comportement excessif : « Combien prétendent que les homophiles se tiennent mal à cause de ceux que l'on remarque et qu'on imite avec des mines et des gestes niais. Qui veut se prêter à cette comédie ? [,] Si vous avez besoin d'une tenue excentrique et de démonstrations déplacées , je vous plains, et les autres ont le droit de réclamer des comptes »[56]. On retrouve ici les critiques habituelles contre les folles, les efféminés : cris aigus, habits féminins, goût pour le déguisement etc.

 

La fin des années 50 et le « Fléau social » : Le tournant du rejet.

Pourtant, il semble qu'à partir de la fin des années cinquante, une évolution soit perceptible dans les positions d'Arcadie. Le ton à l'égard de l'efféminement devient plus cassant, voire marqué d'une certaine hostilité. Dès 1958, André Baudry comme nous l'avons vu, range l'efféminement aux côtés de la névrose et de l'exhibitionnisme[57]. Il écrit d'ailleurs en 1967, dans un article où il se réfère aux années passées : « L'homophile vit bien dans la société. Rien ne le distingue. Il fut un temps, combien triste et révolu, espérons-nous, où beaucoup d'homophiles cherchaient à se singulariser. On connaît ces accoutrements excentriques, ces démarches ondulées, ces voies de caquet, ces visages maquillés, ce carnaval autrement dit à longueur d'année. Réjouissons-nous de constater que les nouvelles générations d'homosexuels, dans leur ensemble, adoptent un comportement plus viril, plus digne, plus sain, plus humain [,] L'homosexuel dans la société est un homme, il n'est pas une poupée, un clown, un être sans sexe, une imitation de la femme ; ou lesbienne, une imitation de l'homme »[58]. André Baudry rejoint ici la conception « viriliste » de l'homme, telle que l'énonce la norme ambiante. Ce faisant, il franchit un pas, puisqu'il rejette l'efféminement vers la pathologie, lorsqu'il parle de comportement « plus viril, plus digne, plus saint ».

Cette position de rejet vis-à-vis des efféminés pose question. Les efféminés, en particulier ceux de Saint-Germain, sont la partie la plus visible du monde homosexuel. Le choix d'André Baudry et avec lui d'Arcadie va plus loin que le simple fait de ne pas se reconnaître dans ce mode de vie ; en condamnant en ces termes l'efféminement, ils manifestent ce que l'on appellerait aujourd'hui une forme d' « homophobie », vis-à-vis d'autres homosexuels[59].

Quelles sont les causes de cette évolution ? Il faut évoquer la peur de la répression et des contrôles policiers. Comme nous l'avons déjà noté, la répression semble bien s'aggraver dans les années cinquante[60]. Or l'expression publique de l'homosexualité et en particulier de l'efféminement, que l'on associe fréquemment à la prostitution, favorise les appels à la répression et aux contrôles policiers[61].

Comme nous l'avons vu, la revue Futur se plaint des descentes de police à Saint-Germain.

Arcadie, qui se veut la représentante des homophiles et qui cherche à exercer une influence éducatrice concernant l'homophilie auprès des autorités du pays, craint tout particulièrement l'impact psychologique négatif de l'assimilation entre homosexualité, efféminement et prostitution[62].

Enfin, et nous touchons là au coeur de la question, la position d'Arcadie est idéologique et politique. Futur ne cesse de dénoncer dans la première moitié des années cinquante l'ordre moral qui règne en France, le puritanisme, dont le symbole à ses yeux est le M.R.P. Pour Futur, la législation antihomosexuelle est liée à l'ordre moral, qu'il faut dénoncer et combattre si les homosexuels veulent obtenir l'égalité des droits. Il s'agit donc bien pour Futur de changer la société dans ses a priori moraux, pour atteindre une véritable égalité dans le droit à l'exercice de la sexualité. Futur, de ce fait, se réjouit de la présence des homosexuels à Saint-Germain, qui marque l'expression du libre désir homosexuel[63].

Comme nous l'avons vu, la situation est autre pour Arcadie. Il ne s'agit pas de remettre fondamentalement en cause l'ordre moral qui régit la société. Il s'agit d'intégrer l'homophile en l'adaptant aux normes existantes[64]. Ceci est d'autant plus aisé pour Arcadie, que la spécificité de l'homophile peut se restreindre, par rapport à l'hétérosexualité, à une variation du partenaire amoureux et que, pour André Baudry, la sexualité, sans être rejetée, doit cependant être transcendée dans un sentiment amoureux plus spirituel[65].

La démarche d'Arcadie se situe par conséquent à l'opposé de la démarche d'affirmation et de visibilité de Futur. Le discours sur l'efféminement et Saint-Germain est un des points où la divergence dans les conceptions se laisse le mieux saisir.

L'absence de mesures législatives particulières en France contre l'homosexualité entre adultes, le fait que non seulement Arcadie continue à paraître, mais également l'existence d'autres revues homophiles à l'étranger comme One, sont pour André Baudry des signes encourageants[66].

Mais la situation change brutalement en 1960. Le 18 juillet, profitant d'une discussion à l'Assemblée Nationale portant sur les fléaux sociaux, en particulier l'alcoolisme et la prostitution, le député U.N.R. de la Moselle, Paul Mirguet, dénonce « la gravité de ce fléau qu'est l'homosexualité, fléau contre lequel nous avons le devoir de protéger nos enfants »[67]. Il fait adopter un sous-amendement qui inclut l'homosexualité parmi les fléaux sociaux et qui permet au gouvernement de prendre « toutes mesures propres à lutter contre l'homosexualité »[68].

La loi du 30 juillet 1960 autorise le gouvernement à prendre des mesures susceptibles de lutter contre l'homosexualité. Ceci est suivi d'effets, puisque l'ordonnance n° 60-124 du 25 novembre 1960 ajoute un alinéa 2 à l'article 330 du code pénal qui aggrave la peine lorsque l'outrage public à la pudeur consiste en un acte contre nature avec un individu du même sexe[69].

Fléau social, l'homosexualité est désormais considérée comme un délit dans l'espace public. Sa manifestation doit rester confinée au sein de la sphère privée.

Cet événement politique est accueilli parmi les adhérents d'Arcadie avec stupéfaction, il provoque même la panique, certains envisagent même de quitter la France[70].

Cette situation peut en effet être vécue comme un échec à la fois de la stratégie et de l'idéologie d'Arcadie, puisque les homophiles sont condamnés en dépit de leurs efforts d'intégration.

André Baudry, cependant, ne l'interprète pas de cette façon. Il considère au contraire, dès le vote de l'amendement, que celui-ci est dû à la prostitution et aux travestis. Le durcissement de la législation confirme à ses yeux la nécessité de lutter contre la prostitution et les excès qui discréditent l'homophilie[71].

Et l'on peut noter qu'à partir de là le discours d'Arcadie contre l'efféminement se durcit. Dès le numéro de décembre 1960, Lucien Farre écrit, « l'homosexuel efféminé qui cherche les mâles et l'homosexuel mâle qui cherche les efféminés ne sont pas de vrais homosexuels. La première caractéristique de l'homosexuel sera donc d'être lui-même mâle et de rechercher les mâles. »[72] Fin 1961, Marc Daniel, dans un discours, attaque vivement les travestis, les efféminés, les maniérés, car, précise-t-il, la société, qui les considère comme des malades et des anormaux, ne les accepte pas. Les homophiles doivent, s'ils veulent être acceptés par la société, ne pas être méprisés, se comporter, c'est à dire se vêtir, parler, marcher « comme des êtres normaux ». Sinon ils subiront de nouvelles lois répressives. En fait cette prise à partie des efféminés a pour cause le projet de certains « Arcadiens » d'organiser, semble-t-il une fête travestie[73]. Le discours de Marc Daniel, rapporté à sa cause, prêterait aujourd'hui à sourire, alors que les différentes parades, la gay pride, les fêtes costumées, bref, la fête exhubérante, s'épanouissent au fil des rues et des places. Ce discours, en fait, est révélateur des profondes inquiétudes que la loi sur le « fléau social » a fait naître à l'époque à la tête d'Arcadie. Il est également significatif de l'écart entre le discours officiel et la réalité d'une partie des adhérents, qui ne sont pas vraiment disposés à se mouler dans l'idéal viriliste et plutôt abstinent qui leur est proposé.

Le discours tenu par Arcadie prend ainsi, comme nous pouvons le constater, en cette fin des années cinquante, début des années soixante, un tour ségrégatif à l'encontre des efféminés. On peut avancer que, désormais, en exigeant de ses adhérents attachés au mode de culture efféminé, tel qu'il s'exprime publiquement à Saint-Germain-des-Prés, de renoncer à ce mode d'expression de soi, en dénigrant ce mode d'être, Arcadie place les efféminés dans une position de renoncement qui évoque une forme de haine de soi.

Cette position contre l'efféminement place Arcadie, de surcroît, dans une situation pour le moins contradictoire, si on la replace dans le contexte de la mouvance homosexuelle des années 59 et 60.

 

Juventus : L'homosexualité virile.

D'un côté elle sépare Arcadie de l'expression publique homosexuelle dont une des manifestations les plus vivaces est à Saint-Germain avec ses folles et ses efféminés. La permanence de ce mode de vie doit, par ailleurs, nous amener à nous interroger sur l'impact réel du discours d'Arcadie. Mais d'un autre côté, cette position ne permet pas réellement à Arcadie de se placer pleinement sur le terrain du discours d'une homosexualité jeune et virile. Ce discours-là, en effet, est tenu et arboré par une nouvelle revue mensuelle, Juventus, dont la parution s'étend sur les années 1959-60, ( le premier numéro paraît en mai 1959). Dès le numéro deux, la revue expose clairement ses positions : « Tu dis que l'on te rejette ? Vas donc un soir à Saint-Germain-des-Prés et ouvre ton oeil, le bon, pour regarder tes semblables. Vois leur allure, vois leurs gestes, entends leurs cris et considère leurs manies. Si tu te révoltes, c'est que tu as compris. Tu as compris qu'un homme, un vrai, ne peut pas supporter qu'un autre homme caricature une femme »[74]. Or, Juventus est opposé à l'homophilie et revendique l'appartenance homosexuelle : « [le mot] homophile, lui est déliquescent, fondant, ça vous coule des lèvres [,] c'est la même terminologie que nécrophile, zoophile, hémophile ! Faudra-t-il se ranger avec les maniaques, les vicieux, les malades ? » En fait c'est Arcadie qui est visée, la phrase suivante laisse en effet peu de doute : « le mot homophile fut inventé par une revue et sa chapelle ». Bien que l'article s'en défende, le ton ironique pour qualifier la « chapelle » montre bien que c'est l'homophilie qui est ainsi raillée, comme une notion efféminée, et pas seulement le mot[75]. Or, même si Juventus est une revue éphémère, son discours et ses photos tournées vers la santé, le corps, la nature, la jeunesse, sont plus en phase avec l'esprit de cette époque, où la France se modernise, accède à la société de consommation, connaît la vigueur du baby boom[76] et où le corps se laisse découvrir et regarder ( il suffit que l'on pense au film Et Dieu créa la femme de Roger Vadim avec Brigitte Bardot)[77].

 

La voie étroite : Arcadie entre hostilité et indifférence.

En dépit de ses positions, Arcadie, n'est donc pas perçue comme le modèle de la virilité et elle se retrouve finalement comme en porte-à-faux au tournant de ces années cinquante-soixante. Rejetant pour des raisons idéologiques et tactiques l'efféminement, elle ne peut pas non plus réellement incarner la position viriliste, portée par des formes d'expression plus tournées vers la jeunesse et le culte du corps athlétique. Comme André Baudry le note lui-même plus tard, en 1967, l'évolution d'une partie des homosexuels vers des formes « viriles » est le fait des « nouvelles générations », elle relève des transformations générales de la société française plus que de l'action d'Arcadie[78]. Mais c'est aussi un aveu de la permanence de l'attachement des autres générations à l'efféminement et l'on peut dès lors se poser des questions sur l'influene réelle que le discours d'Arcadie exerce sur ces générations-là. Enfin, l'action d'Arcadie se voulant d'information, éducatrice et non pas politique, les perspectives d'une amélioration de leur condition, offertes à ceux de ses adhérents qui renonceraient à leur efféminement, comme à tous ses adhérents par ailleurs, sont de ce fait plutôt restreintes, en tout cas sur le plan légal[79].

De fait, dans l'année 1963 André Baudry évoque par deux fois les nombreuses critiques issues du monde homophile. Certains souhaitant même sa disparition[80]. André Baudry fait ces remarques révélatrices : « Arcadie ne groupe pas 10% des homophiles français [,] Alors les 90% d'homosexuels de France ? [,] Beaucoup, beaucoup trop connaissent, mais méprisent, se moquent, n'en voient pas la nécessité..., sauf quand un ennemi survient - surtout d'ordre judiciaire - alors, on sait trouver le chemin d'Arcadie... »[81], « Ceux qui critiquent Arcadie parmi les homophiles eux-mêmes [,] que ceux-là songent que nous nous sommes toujours appliqués - sans eux, contre eux bien souvent, à montrer un visage honorable de l'homosexualité »[82]. Arcadie semble ainsi remplir un rôle de recours, d'activités de services. André Baudry évoque les multiples aides, matérielles et psychologiques qu'Arcadie apporte aux homophiles qui s'adressent à elle[83]. Mais ses idées ne parviennent pas à rallier la grande majorité des homosexuels à l'époque qui demeurent indifférents, voire hostiles aux conceptions de la revue homophile. Cheminant entre hostilité et indifférence, sans perspective réelle d'amélioration du statut légal des homosexuels après le « fléau social », la voie semble alors bien étroite pour Arcadie en ce tournant des années soixante.

Le discours homophile contre l'efféminement passe donc au cours des années cinquante en France d'une certaine réprobation à une hostilité marquée. Cette mutation, si elle a des fondements idéologiques, nous semble cependant davantage motivée par le contexte policier et surtout politique, avec le vote de la loi sur les « fléaux sociaux ». Cette situation nouvelle a pour conséquence l'affirmation d'une forme d' « homophobie » homosexuelle à l'encontre des efféminés. Le développement de cette forme d'homophobie est singulièrement compliquée par le fait que, d'une part, son expression ne se restreint pas au monde homophile mais qu'elle est alimentée également par le développement d'un courant porteur d'une vision « viriliste » de l'homosexualité à la fin des années cinquante, dont les fondements, semble-t-il, sont générationnels, culturels et sociaux. Pourtant toute une partie monde homophile semble bien rester encore largement attaché au tournant des années 50 et 60, à des formes traditionnelles d'expression qui incluent des modes d'efféminement. Le discours tenu par Arcadie, qui mène pour ces personnes attachées à cette forme d'expression culturelle qu'est l'efféminement, à une mésestime de soi, manifeste par conséquent à cet endroit-là une forme de haine de soi. Cependant la vigueur et la permanence de ce mode d'expression de soi qu'est l'efféminement, dont Saint-Germain offre l'illustration dans ce même temps, doit nous laisser prudent sur l'influence et la portée réelle d'une position, comme celle affichée officiellement par Arcadie, dans le vécu homosexuel de l'époque.

Cet article a été publié pour la première fois dans l'ouvrage "Haine de soi - Difficiles identités" sous la direction de E. Benbassa et J.-C. Attias, Editions Complexe, 2000



[1] Gaston Criel, « Lettre de Paris. Histoire et Psychologie d'un Mythe : Saint-Germain-Des-Prés », L'Unique (89-90), nov.-déc. 1954, p. 209. Sur la revue L'Unique, fondée par E. Armand, et qui succède à la revue l'En-Dehors voir la notice de J. Maitron, « Armand E. », dans Jean Maitron (éd.), Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, Paris, Les Editions Ouvrières, 1982, vol. 17A, p. 227-229. Sur E. Armand, le courant des anarchistes « individualistes » et l'homosexualité, voir Gilles Barbedette et Michel Carassou, Paris Gay 1925, Paris, Presses de la Renaissance, 1981, p. 140-143.

[2] Nous parlons ici de l'homosexualité masculine qui est le sujet de cet article. Sur cette géographie du Paris homosexuel après-guerre, voir la description qu'en fait Yvan Audouard dans son article intitulé : « Yvan Audouard vous présente le troisième sexe comme si vous en étiez », France Dimanche (120), 19 déc. 1948, p. 7. La citation est extraite de cet article. Egalement, dans l'ouvrage de Rodney Garland, Le coeur en exil, éd. trad. fr. avec une préface de J. de Ricaumont, Paris, Robert Laffont, 1959, p. 229 (l'éd. anglaise est de 1953). C'est toujours cette géographie qui se dessine à travers la liste des établissements de Paris dressée par la revue homosexuelle allemande qui paraît à Hambourg : der neue ring , 12 déc. 1958, p. V.

J'ai pu mener cette étude grâce à l'aide de mon ami, Olivier Jablonski, qui m'a permis de consulter ses archives, et dont la connaissance de la presse homosexuelle a souvent éclairé ce travail.

[3] Voir sur ce point : Michael D. Sibalis, « Paris », dans David Higgs (éd.), Queer Sites. Queer urban histories since 1600, Londres et New-York, Routledge, 1999, p. 15-18, 21-22 et 25-26. Pierre Servez, Le Mal du siècle, Paris, André Martel, 1955, p. 30-36.

[4] Voir sur ce point : Frédéric Martel, Le rose et le noir. Les homosexuels en France depuis 1968, Paris, Seuil, 1996, p. 89. M. Sibalis, « Paris », op. cit., p. 30.

[5] Tous ces aspects sur l'existentialisme et la vie intellectuelle à Saint-Germain après-guerre sont bien connus. Voir en particulier : Pascal Ory et Jean-François Sirinelli, Les intellectuels en France, de l'affaire Dreyfus à nos jours, Paris, Armand Colin, coll. « U », 1992, p. 148-149. Dans l'ouvrage de Jean-Paul Caracalla, Saint-Germain-des-Prés, Paris, Flammarion, 1993, on peut voir des photos à Saint-Germain de Genet : p. 168 ; Cocteau : p. 59, 64, 65, 123 ; Jean Marais : p. 97.

[6] « Saint-Germain-des-Prés. Capitale du non-conformisme », Futur (1), octobre 1952, p. 2. Pour la localisation et des photos de ces établissements dans les années cinquante voir : J.-P. Caracalla, Saint-Germain,, op. cit., p. 83, 87, 95. Sur l'importance de la vie homosexuelle à Saint-Germain voir également : « Le 3e sexe envahit St-Germain-des-Prés », France Dimanche (787), 21 au 27 sept. 1961, p. 8.

[7] Sur tous ces aspects voir : M. Sibalis, « Paris », op. cit., p. 18-21 et p. 29-30. Pour une description du cadre et de l'ambiance au Fiacre, voir également : Frédéric Martel, Le Rose,, op. cit., p. 83-84. Daniel Garcia, Les années Palace, Paris, Flammarion, 1999, p. 18-19.

[8] « Saint-Germain-des-Prés. Capitale, », op. cit., p. 2. L'article parle de Saint-Germain comme d'une « commune libre ».

[9] Voir la description donnée dans : Alexandre Raphael, « Les lois de l'hospitalité », Arcadie, oct. 1959, p. 547. « Le 3e sexe, », op. cit., p. 8. Sur les « folles » à Paris, voir également : Jean Genet, Notre-Dame-des-Fleurs, rééd., Paris, Marc Barbezat - L'arbalète, coll. « Folio », 1988, en particulier les p. 64 et 96-98. Roger Peyrefitte, Des Français, Paris, Flammarion, 1970, p. 229-230.

[10] M. Fernet, « L'homosexualité et son influence sur la délinquance », Revue internationale de police criminelle (124), janv. 1959, p. 17-20. Les citations sont extraites de la p. 20. L'homosexualité est, par ailleurs, qualifiée d' « anomalie sexuelle », p. 14.

[11] M. Fernet, « L'homosexualité, », op. cit., p. 16.

[12] Voir là-dessus : Flora Leroy-Forgeot, Histoire juridique de l'homosexualité en Europe, Paris, PUF, coll. « Médecine et Société », 1997, p. 64-65. M. Sibalis, « Paris », op. cit., p. 14-15 et p. 20-21. Christian Gury, L'Homosexuel et la loi, Lausanne, Editions de l'Aire, 1981, p. 153-161. Pour un témoignage dans la littérature : voir le roman de Marcel Guersant, Jean-Paul, Paris, Les Editions de Minuit, 1953.

[13] Voir : J.O. 27 août 1942 et Janine Mossuz-Lavau, Les lois de l'amour. Les politiques de la sexualité en France (1950-1990), Paris, Payot, 1991, p. 237. Pierre Lascoumes, « L'homosexualité entre crime à la loi naturelle et expression de la liberté. La dépénalisation de l'attentat à la pudeur sur le mineur de 15 ans par une personne de même sexe », dans Daniel Borillot, Homosexualités et droit, Paris, Presses Universitaires de France, 1998, p. 113. Voir également la section droit du site web intitulé Le séminaire gay, (http://altern.org).

[14] L'ordonnance 45-190 du 8 février 1945, qui devient l'alinéa 3 de l'article 331 du code pénal, condamne à un emprisonnement de 6 mois à 3 ans et d'une amende de 60 à 15 000 francs quiconque aura commis un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe mineur de 21 ans : J. Mossuz-Lavau, Les lois,, op. cit., p. 238. C. Gury, L'homosexuel,, op. cit., p. 154.

[15] J. Mossuz-Lavau, Les lois,, op. cit., p. 238.

[16] Daniel Guérin, Shakespeare et Gide en correctionnelle ?, Paris, Editions du Scorpion, 1959, p. 94-106.

[17] L'homosexualité à l'époque est criminalisée en Allemagne de l'Ouest avec le paragraphe 175. La police, cependant, tolère dans plusieurs villes les revues, les bars et les organisations homosexuelles : Wayne R. Dynes (éd.), Encyclopedia of homosexuality, 2 vol., New-York et Londres, Garland, 1990, article « Germany », vol. 1, p. 474. En Angleterre l'homosexualité masculine est criminalisée. Cependant le rapport Wolfenden, en 1957, préconise la décriminalisation de l'homosexualité masculine dans le domaine privé, ce qui a lieu en 1967 pour les adultes de plus de 21ans dans le cadre privé : Jeffrey Weeks, Coming out. Homosexual politics in Britain from the nineteenth century to the present, éd. revue, Londres, Quartet Books, 1990, p. 164-176.

[18] Voir : Jacques Girard, Le mouvement homosexuel en France 1945-1980, Paris, Syros, 1981, p. 31-34.

[19] « Saint-Germain-des-Prés. Capitale, », op. cit., p. 2.

[20] « Saint-Germain-des Prés. Capitale, », op. cit., p. 2. Sur les attaques de Futur contre le M. R. P. et en particulier Pierre-Henri Teitgen, voir : « Les puritains veulent à tout prix nous délivrer du mal », Futur (1), oct. 1952, p. 1 et 4. Pierre-Henri Teitgen fut président du M. R. P. de 1952 à 1956. Résistant, il fut plusieurs fois ministres sous le G. P. R. F. puis la IVe République, voir : Benoît Yvert (éd.), Dictionnaire des ministres (1789-1989), Paris, Perrin, 1990, p. 843. Sur l' « idéal moral » du M. R. P., voir : Philip Williams, La vie politique sous la IVe République, trad. de l'anglais par Suzanne et Alain Dutheillet de Lamothe, Paris, Armand Colin, 1971, p. 181.

[21] Futur (1), p. 1.

[22] « Qu'on se le dise ! », Futur , juil. 1954, p. 4.

[23] Sur l'origine du terme, qui était déjà employé en Allemagne avant-guerre, puis son développement après-guerre voir : Hans Warmerdam et Pieter Koenders, Cultuur En Ontspanning Het COC 1946-1966, Utrecht, coll. « Publikatiereeks Homostudies Utrecht » 10, 1987, p. 76. W. R. Dynes (éd.), Encyclopedia,, op. cit., article « Homophile », vol. 1, p. 552. La définition est extraite de : Marc Daniel et André Baudry, Les homosexuels, Paris, Casterman, 1973, p. 16.

[24] Voir : M. Daniel et A. Baudry, Les homosexuels, op. cit., p. 16-17. « Homosexualité ou Homophilie » dans Arcadie, nov. 1959, p. 591-595.

[25] Voir : M. Daniel et A. Baudry, Les homosexuels, op. cit., p. 126-131. Suzan Daniel, « La femme homophile dans la société actuelle », Arcadie, fév. 1954, p. 33.

[26] Le comité a pour origine la Hollande et c'est à Amsterdam qu'il tient son premier congrès en 1951. Voir : H. Warmerdam et P. Koenders, Cultuur,, op. cit., p. 267-271.

[27] Voir : W. R. Dynes (éd.), Encyclopedia,, op. cit., article « Homophile », vol. 1, p. 552 et article « Movement, Homosexual », vol. 2, p. 839-844.

[28] Sur cette date voir le chapitre intitulé « les origines du f. h. a. r. » dans : FHAR, Rapport contre la normalité, Paris, éditions champ libre, 1971, p. 16-17.

[29] Un contrôle de police dans un bar gay de New-York, le « Stonewall Inn » provoque une émeute homosexuelle. De là naît le « Gay Liberation Front ». Voir : W. R. Dynes (éd.), Encyclopedia,, op. cit., article « Stonewall Rebellion », vol. 2, p. 1251-1254.

[30] Voir : Pour une présentation d'Arcadie au moment de sa parution : André Baudry, « Nova Et Vetera », Arcadie, janv. 1954, p. 15-17. Pour les autres revues : W. R. Dynes (éd.), Encyclopedia,, op. cit., article « Mattachine Society », vol. 2, p. 779-782. Sur One : W. Dorr Legg, David G. Cameron, Walter L. Williams (éd.), Homophile Studies in theory and practice, San Francisco, One institute press et GLB Publishers San Francisco, 1994. Sur Der Kreis et sur Vriendschap : H. Warmerdam et P. Koenders, Cultuur,, op. cit., p. 33 et p. 76.

[31] Jylou, « Les Particuliers », Le Cercle, mai 1960, p. 26.

[32] Jean Cocteau, « Message de Jean Cocteau », Arcadie, p. 7.

[33] Suzan Daniel, « La femme homophile, », op. cit., p. 37.

[34] Marc Daniel, « Lettre à Monsieur Paul Reboux », Arcadie, janvier 1955, p. 63.

[35] Alain Guel, « De la virilité », Arcadie, juin 1956, p. 25.

[36] A. Raphael, « Les lois, », op. cit., p. 547.

[37] Le club est enregistré le 28 février 1957 au greffe du tribunal de commerce de Paris.

[38] Voir : F. Martel, Le rose,, op. cit., p. 66-70. J. Girard, Le mouvement,, op. cit., p. 39 et 45.

[39] André Baudry, « Dixième année », Arcadie, janv. 1963, p. 8.

[40] « Discours de M. Marc Daniel au banquet du I I. Novembre 1961. », (archives Gai Pied).

[41] André Baudry, « Appel », Arcadie, déc. 1958, p. 6.

[42] André Baudry, « Notre responsabilité », Arcadie, nov. 1961, p. 554. André Baudry répond ici à un article, dont il ne donne pas les références complètes. Mais d'après les éléments donnés par André Baudry dans son texte on peut reconnaître l'article paru dans France Dimanche (787), semaine du 21 au 27 septembre 1961, p. 8, intitulé « Le 3e sexe envahit St-Germain-des Prés ». Cet article mêle présence homosexuelle et prostitution masculine dans le quartier et appelle à ce que soient votées les lois qui « ,permettent de lutter victorieusement contre ce vice qui lève toujours la tête lorsqu'un pays est en décadence. » Par le mot « vice », il faut comprendre l'homosexualité .

[43] Voir également, sur le rejet par Arcadie de l'efféminement : Jacque Girard, Le mouvement,, op. cit., p. 53-54.

[44] Sur la question de la haine des homosexuels par des homosexuels, voir les remarques de : Didier Eribon, Réflexions sur la question gay, Paris, Fayard, 1999, p. 102-103. Sur homophobie, discrimination et peur de l'autre en soi, Daniel Welzer-Lang, « L'homophobie : la face cachée du masculin », dans Daniel Welzer-Lang, Pierre Dutey et Michel Dorais (éd.), La peur de l'autre en soi. Du sexisme à l'homophobie, Montréal, Québec, VLB éditeur, coll. « Des hommes en changement », 1994, p. 13-91.

[45] Voir là-dessus : D. Eribon, Réflexions,, op. cit., p. 42-45.

[46] Voir sur ce sujet l'ouvrage de George L. Mosse, L'image de l'homme. L'invention de la virilité moderne, traduit de l'anglais par Michèle Hechter, Paris, éditions Abbeville, 1997, en particulier les p. 11-19 et 72-76.

[47] Voir l'exposé des idées de Proust et de l'Allemand Karl Heinrich Ulrichs, qui milite au XIXe siècle pour la cause homosexuelle, dans : D. Eribon, Réflexions,, op. cit., p. 120-128.

[48] G. Mosse, L'image,, op. cit., p. 151.

[49] Voir l'article : Serge Talbot, « Homosexualité et biologie », Arcadie, mai 1954, p. 27.

[50] André Baudry, « Arcadie », Arcadie, mars 1954, p. 14.

[51] A. Baudry, « Nova.. », op. cit., p. 17. Le rapport révèle que 37% des mâles américains ont eu au moins une fois une relation homosexuelle dans leur vie, que 4% des mâles américains sont exclusivement homosexuels et que les sexualités s'échelonnent de l'hétérosexualité exclusive jusqu'à l'homosexualité exclusive. Sur le rapport et son importance pour l'homosexualité à l'époque : Michel Dorais, « La recherche des causes de l'homosexualité : une science-fiction ? », dans D. Welzer-Lang, P. Dutey et M. Dorais, La peur,, op. cit., p. 126-131. F. Martel, Le rose,, op. cit., p. 67-68.

[52] André Baudry, « La Faute », Arcadie, avril 1959, p. 206.

[53] A. Baudry, « Les homophiles dans la société », Arcadie, déc. 1967, p. 544. Voir : J. Girard, Le mouvement,, op. cit., p. 53-55. D. Eribon, Réflexions,, op. cit., p. 422 et la note 1.

[54] Marc Daniel, « Le non-conformisme à la “Belle époque” (suite) », Arcadie, nov. 1959, p. 626.

[55] Voir là-dessus : Docteur Maria Theresa Bianchi, « Masculin et Féminin », Arcadie, janvier 1956, p. 46.

[56] Circulaire de Juin 1956, par Jean de Montaigut, Documentation polycopiée d'Arcadie, Bibliothèque du Saulchoir, Archives Max Lyonnet, désormais cité BSML n° 70.

[57] A. Baudry, « Appel », op. cit., p. 6.

[58] André Baudry, « Les homophiles, », op. cit., p. 544.

[59] Voir : D. Eribon, Réflexions,, op. cit., p. 130-131.

[60] D. Guérin, Shakespeare,, op. cit., p. 94-106.

[61] « Le 3e sexe, », op. cit., p. 8.

[62] Voir l'article d'A. Baudry, « Notre responsabilité », op. cit., p. 553-557.

[63] « Les puritains, », op. cit., p. 1 et 4. « Saint-Germain-des Prés. Capitale, », op. cit., p. 2. « Chacun peut et doit lutter contre les tartuffes organisés », Futur, juillet 1954, p. 1.

[64] A. Baudry, « Les homophiles, », op. cit., p. 543-545.

[65] Voir entre autres : A. Baudry, « La faute », op. cit., p. 205-208.

[66] André Baudry, « Quatrième année », Arcadie, janv. 1957, p. 13-17.

[67] J.O., 19 juillet 1960, Assemblée Nationale – 2e séance du 18 juillet 1960, p. 1981.

[68] Idem, p. 1982-1983.

[69] J. Mossuz-Lavau, Les lois,, op. cit., p. 239-240. P. Lascoumes, « L'homosexualité, », op. cit., p. 113-114.

[70] A. Baudry, « Les homophiles, », op. cit., p. 542.

[71] André Baudry, « La Voix d'Arcadie », Arcadie, janv. 1961, p. 5-9. Lettre d'André Baudry à monsieur Mirguet, du 20 juillet 1960, publiée dans la « Lettre personnelle » (circulaire envoyée par Arcadie aux abonnés), mars 1965, BSML n° 115. L'échange entre le député Paul Mirguet et André Baudry est consultable sur le site du Séminaire gai à l'adresse semgai.free.fr/contenu/Archives/Assemblee_juillet_60/mirguet.html

[72] Lucien Farre, « L'archaeopteryx et l'homosexuel », Arcadie, déc. 1960, p. 695.

[73] Marc Daniel parle d'une « mascarade de travestis ». Voir sur tout ceci : « Discours de M. Marc Daniel au banquet du I I. Novembre 1961. » et « Extraits de L'allocution de M. Marc Daniel (II. Pars 1961. Paris.) », (Archives Gai Pied reprises par Gayvox).

[74] « Editorial », Juventus (2), p. 5.

[75] Théobalde, « Contre l'homophilie », Juventus (4), p. 17-18.

[76] Pour les photos voir par exemple les dos de couverture des n°2 et n° 3, le n° 4, p. 30. Sur ce profond changement de la société française, Dominique Borne, Histoire de la société française depuis 1945, 2e éd., Paris, Armand Colin, coll. « Cursus », 1990, p. 27-44.

[77] Voir pour le cinéma : Noël Burch et Geneviève Sellier, La drôle de guerre des sexes du cinéma français (1930-1956), Paris, Nathan, coll. « fac. Cinéma », 1996, p. 274-277.

[78] A. Baudry, « Les homophiles, », op. cit., p. 542.

[79] André Baudry, « Tactique », Arcadie, juin 1955, p. 14-16. Voir : J. Girard, Le mouvement,, op. cit., p. 57-59. D. Eribon, Réflexions,, op. cit., p. 421-422.

[80] A. Baudry, « Dixième, », op. cit., p. 5-9. André Baudry, « Notre Revue », Arcadie, sept. 1963, p. 385-394, en particulier la p. 387.

[81] A. Baudry, « Dixième, », op. cit., p. 8.

[82] A. Baudry, « Notre Revue » , op. cit., p. 387.

[83] A. Baudry, « Dixième, », op. cit., p. 7.

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