HOMOSEXUALITE EN TURQUIE:
DE L'HERITAGE MUSULMAN AU MOUVEMENT ASSOCIATIF


Philippe-Schmerka BLASHER

Les mouvements sociaux dans le monde musulman contemporain
Regards croisés, Université de Lausanne, 3-4 décembre 1999.

"Todo hecho,
Nada dicho"

Proverbe espagnol(1)

Introduction

    Aborder la sexualité autrement que sous l'angle médical se révèle parfois chose délicate, puisque, que ce soit dans les sociétés judéo-chrétiennes ou musulmanes, le sexe apparaît comme un domaine relevant de l'intimité totale des individus. Il tombe dans le domaine juridique ou policier lorsqu'il se marginalise, et les tabous véhiculés ont été culturellement façonnés.

    Historiquement, en Europe comme en Turquie, le sexe ne relève pas seulement de la puissance publique, mais également du jugement d'autrui. En Turquie, depuis l'avènement de la République en 1923, le Code Pénal adopté est celui de la Suisse. La majorité légale, et par extension sexuelle, est fixée à dix-huit ans, sans distinction de sexe ou d'orientation sexuelle. Le Code Pénal turc ne prévoit pas d'articles condamnant l'homosexualité, mais se réserve le droit de punir des individus qui se livreraient à un outrage moral ou public. La notion d'outrage étant laissée à l'appréciation et à la discrétion des juges(2), la police a le droit de conduire dans un commissariat de police toute personne suspecte pour un interrogatoire.

    D'un point de vue théologique, dans les trois grandes religions monothéistes, le sexe n'a trouvé de légitimité que dans les liens sacrés du mariage, ouvrant le chemin de la procréation. La notion de plaisir, jugée insolente envers le Tout Puissant, a été évacuée, mais également toutes les formes marginales de sexualité. Au regard des tabous historiques ou contextuels liés aux principes religieux des différents Livres saints (Coran, Bible ou Torah), la condamnation de l'homosexualité et des êtres qui s'y adonnent est totale. Cependant, il est un point fédérateur commun à tous les pays musulmans, qui est celui de la sexualité, relevant du domaine de la légende. Des chercheurs occidentaux ont catalogué les hommes musulmans avec des adjectifs très marqués. Arno Schchmitt et Jehoeda déclarent en préambule de leur livre:

"Dans les pays islamiques, la sexualité relève de la légende et de la mythologie, et les Musulmans sont extrêmement sentimentaux. En matière sexuelle, ils sont réputés pour être des tyrans ou des pervers..(3)"

   La Shari'a, ou loi traditionnelle de l'Islam, est basée sur le Coran, qui a été révélé au Prophète Mahomet par Dieu, et sur les hadith, ou traditions, qui sont attribués au Prophète. Les textes religieux musulmans qui concernent l'homosexualité, condamnent la relation entre personnes de même sexe. Comme le précise l'historien John Bowsell, les pratiques homosexuelles n'y étaient pas tolérées:

"Les pratiques sexuelles en Islam reprendront l'éthique sexuelle du judaïsme, n'envisageant la sexualité que sous un angle hétérosexuel, enfermé dans les liens sacrés du mariage. Dès lors, toutes les autres formes d'expressions sexuelles relèveront du péché et seront passibles du châtiment divin(4)".

   Cependant, au regard de l'homosexualité, l'Islam entretient une situation très ambiguë. D'un côté, le Coran condamne fermement l'homosexualité, mais d'un autre, la société musulmane, au cours de son histoire, a fait preuve d'une certaine tolérance envers les homosexuels. Les poèmes explicites d'Al-Andalûs (Espagne musulmane), les contes érotiques des Mille et Une Nuits, en passant par l'amour extatique des Sûfis ou au regard de la relative liberté des mœurs dans le Maroc contemporain, l'homosexualité semble avoir été une orientation sexuelle qui s'intègre dans le paysage musulman(5). Cette attitude ambivalente de l'Islam face à l'homosexualité et à la sexualité dans son ensemble, trouve une explication dans le regard très concret porté sur le sexe, par opposition au Christianisme ou au Bouddhisme, où la sexualité resta de nombreuses années synonyme d'abstinence. Le Prophète Mahomet était sexuellement très actif avec ses nombreuses épouses, et était le père de plusieurs enfants. Les coutumes et croyances populaires ne sont pas absentes des recommandations contre les homosexuels. Pour Schmitt, les témoignages recueillis auprès de docteurs en théologie sont éloquents:

"Le danger de commencer à être pénétré et de chercher à le refaire est un problème dans la cosmologie islamique transcontinentale. Pour les Musulmans, avoir du plaisir anal n'est pas contre nature. C'est précisément pour cela que chaque homme doit être vigilant de ne pas se laisser pénétrer, car il risquerait d'y prendre plaisir et d'en devenir dépendant. C'est comme une maladie infectieuse: une fois infecté, il est difficile de s'en débarrasser.(6)"

   Bien que symbole de l'Islam pendant plus de cinq cents ans, la Turquie se présente depuis trois quart de siècle comme le chantre de la laïcité parmi les pays dont la population est en majorité musulmane. Depuis l'avènement de la République en 1923, les autorités politiques ont tenté de forger l'esprit des citoyens selon une conscience identitaire et une socialisation basées sur un modèle occidental. Or, ce renoncement aux valeurs islamiques, qui ont forgé la Turquie contemporaine et les Turcs, n'a pas été digéré sans séquelles, et la société turque de cette fin de XXème siècle représente un exemple tout à fait particulier de symbiose entre une volonté politique affichée d'occidentalisation des mœurs, un héritage culturel centre-asiatique et une résistance culturelle qui trouve sa légitimité dans les traditions et les coutumes musulmanes, régissant la vie des individus et leur socialisation, de la naissance à la mort.

   On ne sera pas surpris de constater que la quête identitaire, et par conséquent, l'identité masculine qui en représente un segment, obéissent, encore fortement en Turquie, à un schéma structurel que l'on retrouve dans les sociétés du Dar-al-Islam (Maison de l'Islam, lieux où vivent les populations au rythme de la religion de Mahomet).

Regards et lieux communs sur l'homosexualité en Turquie

   La virilité en Turquie, et plus généralement dans les sociétés arabes, musulmanes ou méditerranéennes, a acquis une visibilité perceptible à bien des égards. Elle s'impose au quotidien, bruyante, voyante, violente et brûlante. Douter de la virilité d'un garçon, alors qu'il passe son temps à démontrer à ses semblables qu'il est un vrai erkek (homme) prend les allures d'un affront dont les conséquences peuvent aller jusqu'au meurtre, et les apostrophes publiques à connotation de virilité sont reçues avec la plus grande amabilité(7). Le Docteur Yüzgün précise à ce sujet:

"Quand les hommes se parlent en Turquie, ils trouvent sûrement une occasion dans la conversation pour mettre en avant leur virilité. Cette mise en avant peut être de l'ordre de la parole, ou bien tactile, par de simples attouchements sur ses parties génitales. Puisque chacun le fait, personne ne s'en offusque(8)"..

   Le 7 novembre 1996, la chaîne Kanal 6 a dû fermer son émetteur pour une période de 48 heures, après que la déclaration des journalistes de la rédaction qui déclaraient que certains des membres du Parlement étaient homosexuels, ce qui a été jugé comme une insulte au Parlement de la République de Turquie par le Conseil Supérieur de l'audiovisuel. De nombreux autres exemples illustreraient volontiers l'association qui est faite dans les esprits entre l'homosexualité et la déchéance humaine.
Il apparaît que dans le cadre d'une relation entre deux hommes, on aurait tort de supposer la composante "machiste" inexistante, bien que nous soyons en présence de deux semblables. Au contraire, le discours machiste s'en trouve paradoxalement exacerbé. En effet, même si dans la gestuelle turque et orientale on retrouve des hommes qui se tiennent chaleureusement par la main, ce ne sont là que des signes de camaraderie qui seraient interprétés en Europe comme des codes comportementaux homosexuels. Il arrive que certains hommes se sentent empêchés, par l'image virile à défendre, de développer de la tendresse et une intimité avec d'autres hommes ou encore une amitié sincère, de peur d'être taxé d'homosexuel ou de faire face à des désirs trop menaçants. Cette homophobie maintient les échanges entre hommes aux niveaux productif et informatif, ce qui rend l'isolement affectif encore plus fort.
Bien que rejetée dans son ensemble par les hommes qui ne peuvent concevoir une union charnelle avec un de leurs semblables, l'homosexualité demeure un point capital sur lequel repose toute la différence d'appréciation et de regard sur l'homosexualité entre la pensée occidentale et orientale.

   Les Occidentaux statuent avec la même idée, universelle, complaisante, indifférente, égalitaire ou hostile, sur l'identité sexuelle des deux partenaires. Qu'il revête un rôle sexuel actif ou passif, qu'il soit quelque peu efféminé ou chantre de la virilité, marié ou célibataire, un homme est considéré comme homosexuel (bisexuel dans le cas des hommes mariés) dès lors que ses pulsions sont orientées vers des partenaires de même sexe. Cette globalisation des rôles sexuels et du comportement gay s'oppose au regard oriental. A fortiori à Istanbul où la perception de l'homosexuel diffère radicalement selon la fonction sexuelle exercée dans le rapport amoureux(9). C'est sans doute le point fondamental de divergence entre les cultures occidentale et orientale; un homme qui en pénètre un autre ne se considère pas systématiquement, et surtout, ne sera pas considéré par les hétérosexuels, comme un homosexuel. Cette subtile distinction qui néanmoins change fondamentalement le positionnement et le regard de la société sur l'homme, nécessite quelques explications.

   L'homosexuel "actif" reproduisant le schéma classique attendu d'un homme, c'est à dire, celui de l'élément dominant et inséminateur, ne fait que choisir un élément associé à la féminité pour l'assouvissement de ses pulsions intimes, et son fonctionnement sexuel reste normatif au regard de la société. Il assume son comportement de mâle, il pénètre et domine. Il peut s'identifier à un "macho" et être perçu comme tel par la société hétérosexuelle. Dès lors, on comprend l'association qui est faite entre pénétration et domination, synonymes de puissance sexuelle et sociale.
On conçoit que cette dichotomie des comportements sexuels, lui soit favorable. il n'est pas rare d'entendre dans les bars et les tavernes fréquentés par les milieux populaires, alors que le raki (boisson anisée) coule à flot toute la soirée, un homme se vanter d'avoir sodomisé un ibne (homosexuel passif). il bénéficiera, selon la complicité des compagnons de tablée, du rire ou de l'admiration.
Pour son entourage, un homme avouera sa domination physique sur d'autres hommes, et la banalisation de ce type d'actes sexuels peut être du même registre que ses goûts musicaux, ses préférences culinaires ou ses choix politiques. L'acte en question constitue le paroxysme de la masculinité. Pénétrer une femme indique clairement que l'on est un mâle, mais dominer un autre mâle relève de la "supervirilité". L'étalon montant sur les autres étalons ne peut être qu'un être supérieurement et sexuellement puissant. Bien entendu, dans cet acte sexuel, il ne sera laissé aucune place à la tendresse ou au respect de l'autre: point de caresses ou de baisers, l'élément passif n'étant considéré que comme un réceptacle, au même titre qu'une femme légère, ou un objet sexuel servant à assouvir les pulsions sexuelles masculines.

   Il en va bien sûr tout autrement pour l'homosexuel "passif". Dans l'imagerie populaire, un homme féminin est associé à une identité de genre féminine, et donc à la passivité dans l'acte sexuel. Dès lors, véritable honte pour les individus, l'homosexuel se voit affublé de multiples sobriquets, dont le plus populaire est ibne ("fille" en arabe). il fait l'objet de toutes les railleries, et est la proie des pulsions et des malédictions de la société. Puisque son identité de genre est en désaccord avec son identité de sexe, il représenterait donc une anomalie dans le schéma des rôles normatifs. Il est considéré comme un être fragile et est assimilé à la femme, dominée, vulnérable et inconséquente. Son identité sexuelle le chasse de facto du monde des hommes.

   Dans les familles turques, on tremblera au seul fait que le fils ne puisse ou ne veuille s'unir charnellement à une femme, et bien des parents considèrent moins déshonorant d'être les géniteurs d'un délinquant (hétérosexuel) que d'un homosexuel passif. Dans le cas d'un homosexuel actif, les parents le toléreront pourvu qu'il puisse également faire l'amour avec des femmes, gage de sa "normalité".

   On ne saurait décrire le confinement, la solitude, la détresse morale et la misère humaine dans laquelle se trouve donc beaucoup d'homosexuels efféminés, qui s'identifient et reprennent à leur compte les codes de la féminité dans son identité de genre. Il arrive que des bandes d'hommes (rarement des individus isolés), croisent des homosexuels dont le caractère féminin ostentatoire soit pour eux une condition suffisante pour démontrer une nouvelle fois leur virilité. Ils leur hurlent des injures à caractères orduriers, et leur font des propositions obscènes, où leur rôle oscille entre la domination et l'humiliation par le sexe, et vont parfois jusqu'aux attouchements forcés. Isolés de tous sauf de leurs pairs, considérés comme des parias de la société, objet de dérision des hommes et regardés comme des sapik (pervers) par les femmes, les homosexuels efféminés sont condamnés à vivre leur sexualité dans l'opprobre général et viennent chercher l'anonymat dans les grandes métropoles du pays, car les insultes dont ils sont les victimes sont une bien mince consolation face aux menaces de mort dont ils font l'objet dans des villages ou bourgades de province.

   Indiscutablement, ce paradigme traditionnel qui place une différence statutaire entre deux partenaires sexuels selon le "rôle" adopté durant l'acte sexuel (actif ou passif), place les sociétés acceptant ce mode de fonctionnement sur un plan sociologique différent de l'idée communément acceptée en Europe occidentale où les lesbiennes sont simplement des femmes qui aiment des femmes et où les gays sont des hommes qui aiment des hommes. La différence lexicale impliquant toute à la fois une orientation et des pratiques sexuelles s'en retrouve donc limitée(10). Paradoxalement, dans des langues comme l'arabe, le persan, le turc, ou l'ourdou, les rôles sexuels, les âges, et les genres sont spécifiés et lexicalisés. Certains de ces termes font apparaître alors un conflit entre l'identité de genre et sexuelle.

   Dans la pensée orientale, la bipolarité actif/passif de la relation homosexuelle, définit les limites d'une relation appelée à survivre par l'acte sexuel lui-même, et est une vision tout à fait hétérosexuelle de l'acte amoureux qui projette ses propres codes et ses propres limites. La relation homme/femme en Turquie renvoie à la façon dont le couple hétérosexuel est envisagé dans un type de relations dominant/dominée, donc actif/passif, et y est élargie à la sexualité homosexuelle. C'est à l'imitation de la relation hétérosexuelle, que, dans le couple homosexuel, le détenteur du rôle de dominé gomme son identité de sexe. Aussi, est-il autorisé de croire qu'en Occident, si nous n'avons pas systématiquement l'idée de la relation dominant/dominé dans le couple homosexuel, c'est sans doute que nous ne fonctionnons pas (ou plus complètement) sur ce modèle dans la relation entre hommes et femmes.

   Pour beaucoup d'hommes turcs, se questionner sur leur orientation sexuelle et leur virilité, équivaut à se questionner également sur leur identité. Le questionnement sur sa propre orientation sexuelle interpelle l'identité masculine. Et c'est encore une petite minorité d'hommes, pour la plupart jeunes et issus des classes sociales favorisées, qui choisira le positionnement au-delà de l'orientation sexuelle, c'est-à-dire que ce n'est pas l'orientation sexuelle qui déciderait du comportement face aux autres hommes et aux femmes, en omettant l'équation trop souvent faite entre la position sexuelle dominante et le pouvoir comme point de départ d'une relation(11).

De la mobilisation politique au mouvement associatif

Copyright, Philippe S. BLACHER   La société turque considère sans grand intérêt les formes de mobilisation politique et force est de constater que peu d'analyses ont porté sur l'ensemble de ce modèle. Ce désintérêt relatif s'accompagne d'une conviction largement répandue parmi les chercheurs et universitaires turcs selon laquelle, les mécanismes qui ont produit ce type de mobilisation aux États-Unis, ne fonctionnent pas en Turquie.
Pourtant, la Turquie, et particulièrement Istanbul, connaissent également des phénomènes d'exclusion, sur des critères de sexe, d'origine ethnique, de situation sociale ou d'orientation sexuelle. Dès lors, en adoptant le schéma des formes identitaires de mobilisation qui ont fait leurs preuves aux États-Unis, on constate le succès du mouvement associatif gay dans sa quête de reconnaissance sociale. Il y a donc un exemple précis de remise en question de cette conviction d'une exception turque.

   Ce qui fait la spécificité de la situation des gays en Turquie est le clivage qui existe entre la revendication identitaire, résolument occidentale, et la société civile, façonnée sur une base historique et religieuse inspirée par l'Islam, et dont le schéma social de fonctionnement demeure encore très "oriental". Cette dichotomie et ce paradoxe turcs, trouvent leur traduction dans la contradiction entre les comportements sociaux, collectifs et individuels, dont l'évolution et l'issue sont encore incertaines en raison de la nouveauté de cette quête identitaire.

   Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la Turquie a choisi un système d'économie de marché comme base de développement économique. Cette image du capitalisme se traduit dans les esprits par une soif de consommation et par une recherche d'identification aux modèles de l'économie libérale, des États-Unis d'Amérique et des pays de l'Union européenne.
La position géographique du pays, pont entre l'Europe et l'Asie, son histoire, sa mixité culturelle, et Istanbul, lieu de rencontre de plusieurs civilisations millénaires, offrent un cadre exceptionnel à la relation qui existe entre l'individu, pris comme entité, le groupe, et l'ensemble de la société.
A cet égard, Istanbul, avec ses dix millions d'habitants(12) venus de toutes les régions de Turquie, représente un concentré de la problématique politique, économique, sociale, culturelle d'un pays de plus de 65 millions d'habitants. L'effervescence de la cité, son rôle attractif de moteur économique et culturel, ainsi que le nombre des acteurs sociaux engagés dans la palette des activités sociales et urbaines, justifie que l'on se concentre sur Istanbul afin d'en faire un objet d'étude, à la fois singulier et global.

   Or, en 1998, la première enquête menée en Turquie sur les comportements sexuels marginaux, est le fruit du travail d'une femme médecin, professeur en psychiatrie, Madame Sahika Yüksel. Durant plus de sept mois, elle a mené, dans son laboratoire de la faculté de Médecine d'Istanbul, une enquête sur un échantillonnage limité de patients des deux sexes (deux mille cinq cents personnes). Le docteur Sahika Yüksel affirmait à la presse à la fin de l'année 1998, sans expliquer la différence entre les chiffres des hommes et des femmes:

"il y a en Turquie entre 8% et 12% d'homosexuels masculins contre 4% à 8% de lesbiennes(13)".

En Turquie, et sans doute dans de nombreux Etats de la planète, la revendication identitaire d'un individu en tant que gay(14), peut conduire à l'éviction de la vie sociale ou économique, mais aussi à une marginalisation spirituelle par les autorités religieuses et donc à positionner l'individu en citoyen de seconde classe.

   Académiquement, on a donc pour habitude de traiter sociologiquement de l'homosexualité, au travers des gay and lesbian studies, (études gay et lesbiennes). Ce champ de recherche est encore embryonnaire dans les universités françaises(15), et inexistant auprès des universitaires et chercheurs en Turquie. Dans des systèmes éducatifs qui ne connaissent pas encore la spécificité des gay studies, on inclut souvent dans un cadre plus général les recherches sur tous les groupes sociaux minoritaires, dont les aspects, limités à un contexte historiquement figé, sont dans des domaines de recherches différents et cumulables: par exemple citons les Juifs européens (religieux), les indiens des États-Unis (ethnique), les Francophones du Canada (linguistique), les femmes au travail (sociologique et économique), ou la population carcérale (qui peut être une approche religieuse, ethnique et linguistique), etc...
C'est dans ce contexte de requête, de reconnaissance et de structuration identitaires, qu'a emergé le groupe Lambda.

Le groupe Lambda: ferment de politique identitaire

   A Istanbul, il n'existe qu'une seule organisation homosexuelle, émanation d'un mouvement amorcé aux États-Unis connu sous le nom de Lambda, noté par la lettre grecque (16). C'est le symbole que s'était choisi un groupe d'activistes gays new-yorkais en 1970.

   "Lambda Istanbul" est le plus important mouvement associatif gay en Turquie. C'est en effet à Istanbul que l'on retrouve le groupe d'homosexuels le plus marquant, permettant de parler de véritable culture gay urbaine. L'association Lambda est un des lieux privilégiés de la communauté militante dont le siège est situé rue Bekar, dans le quartier de Beyoglu. C'est un lieu de réunion tout à la fois ouvert et fermé, puisqu'il s'agit d'un café associatif réservé aux membres, situé au dernier étage d'un immeuble, mais aussi un endroit de rencontre pour d'autres associations à caractère politique ou alternatif.

   A Istanbul, l'association Lambda existe depuis 1995 et regroupe plus de deux cent cinquante membres, dont l'âge se situe entre dix-neuf et quarante-trois ans. La majorité des membres est constituée cependant de jeunes hommes, urbains, issus de la classe moyenne avec un niveau d'éducation relativement élevé (diplômés du lycée ou en cours de cursus universitaire). A notre avis, cette constatation permet de penser que les gays bénéficiant d'un niveau élevé d'éducation seraient plus enclins à adhérer à un groupe associatif que les gays issus de milieux plus modestes ou ruraux.
La mission essentielle de cette organisation, libre politiquement mais proche du parti de gauche ÖDP (Özgürlük ve Dayanisma Partisi - Parti de la Liberté et de la Solidarité) est de faire respecter les droits de tous les homosexuels dans la société turque, en les préservant des discriminations dont ils font l'objet dans le domaine du travail, du mariage(17), du service militaire ou de la politique. Dans le même temps, l'association bénéficie du soutien des Nations-Unies et représente l'antenne locale des organisations non-gouvernementales de lutte et de prévention du Sida(18). Elle propose une brochure gratuite d'informations pour les gays et lesbiennes sur la prévention du Sida et sur la sexualité des homosexuels, ce qui a contraint la Turkish Aids Prevention Foundation(19) a ranger ses a priori à l'encontre des homosexuels(20). Cette dernière a même invité en avril 1997 deux membres de Lambda au Congrès National sur le Sida à Ankara. C'est la première fois en Turquie qu'une association d'homosexuels est officiellement représentée ponctuellement à un niveau gouvernemental. Cette première en Turquie n'a évidemment pas signifié la disparition définitive des normes de comportements socialement admis.

   Concomitamment, suite à cette brèche ouverte par les institutions gouvernementales et par l'action de Lambda, les chaînes de télévision du service public(21) ont alors diffusé des spots publicitaires contre le Sida, laissant supposer l'existence d'amours entre garçons, ce qui est une donnée courante en Europe de l'Ouest ou en Amérique du Nord, mais représente un concept tout à fait nouveau pour les téléspectateurs turcs.

   Lambda ne dispose ni de fichier, ni de cartes de membre, et c'est une adhésion de principe qui permet à un membre de se revendiquer de cette association. La presque totalité des membres sont des homosexuels, les autres étant des transsexuels opérés et de lesbiennes. Il n'y a pas un seul hétérosexuel déclaré qui se soit proclamé membre de cette association. Son financement est assuré par les dons de ses membres, mais également par une quête organisée à la fin de chaque réunion du groupe. L'association Lambda est structurée en deux groupes: l'un appelé aktif idare edenler (noyau des activistes), constitué d'une dizaine de personnes, qui prend en charge les dates, les lieux d'organisation et la maintenance du mouvement, et l'autre, sans appellation particulière, mais se qualifiant de katilimcilar (participants), composé de curieux et de sympathisants, qui assistent aux discussions et aux meetings, et qui peuvent prendre à chaque instant la parole ou proposer des sujets de recherches ou de travaux.

   Les thèmes abordés épousent de près l'actualité du moment. 1996 a été une année importante sur la question du logement et de l'implantation des gays dans le tissu urbain grâce à la tenue de la session Habitat II des Nations-Unies. 1997 s'est d'avantage soucié de la circulation des gays turcs en Europe, et 1999 a pris en compte les derniers bouleversements sociaux sur la reconnaissance des couples gays dans certains pays de l'Union européenne pour étudier l'éventualité d'une telle avancée en Turquie.

   Lambda travaille également, par l'intermédiaire de magazines et de revues, sur l'image de l'homosexualité en Turquie, pour qu'elle ne soit plus systématiquement associée, comme elle l'est encore aujourd'hui, au Sida, ou à une vision caricaturale et féminisée des gays. La publication de l'association Lambda, le magazine Cins (genre), démontre de façon évidente l'opinion des rédacteurs résolument tournée vers l'Europe et les États-Unis, ainsi que le rapprochement avec l'Occident, souhaité par les gays et les lesbiennes de Turquie. La teneur des articles, à tendance socialiste, reflète clairement les préférences politiques et idéologiques de ce groupe, notamment ses liens privilégiés avec le parti politique ÖDP(22). Cins est publié par Lambda sur fonds propres, et se veut la voix officielle du mouvement. Le magazine est constitué d'articles turcs, mais également de traductions, d'analyses sur des thèmes d'actualités réalisés par de jeunes universitaires, ainsi qu'une rubrique de courrier des lecteurs. Cins est disponible dans les grandes librairies d'Istanbul, d'Ankara, et sur demande écrite à une boîte postale pour les autres villes.

   Dans la presse parlée, Lambda produisait depuis mai 1996 une émission hebdomadaire sur la station privée Açik Radyo (Radio Ouverte) seul et unique programme pour les gays de Turquie. A une heure volontairement tardive (minuit), les présentateurs, tous membres de Lambda, voulaient ainsi aider les gays et les lesbiennes à avoir confiance en eux et à affirmer leur identité et leur culture. Dans cette quête de construction identitaire, les speakers s'amusaient souvent à se donner des sobriquets péjoratifs, comme ibne (pédé) afin de dissocier le terme de ses connotations présentes et démontrer qu'être ibne n'est pas une tare ou une insulte. En septembre 1998, la direction des programmes jugea l'émission de qualité médiocre et stoppa sa diffusion.

   L'association Lambda est également présente sur le réseau internet(23), et publie en turc et en anglais les dernières nouvelles de Turquie en relation avec l'homosexualité. Cette page internet permet au groupe Lambda d'être en contact avec d'autres activistes gays hors du pays et se présente encore une fois comme la vitrine cybernétique de la vie gay à Istanbul.
Lambda reste à ce jour, la seule organisation publique en Turquie dont la motivation et l'existence intrinsèques reposent sur le combat pour le respect des groupes sexuels marginaux.

   Ce combat et cette quête identitaires sont extrêment importantes, car à notre sens, une homosexualité égalitaire, du type de celle que nous connaissons sous le terme de gay en Europe et en Amérique du Nord, est absente, d'un point de vue historique et social, des sociétés musulmanes, à l'exception peut-être de la Turquie, et d'Istanbul en particulier. En effet, la Turquie est le seul pays à majorité démographique musulmane, avec dans une moindre mesure le Maroc et le Pakistan, où des mouvements revendicatifs ouvertement gays ont vu le jour au cours de ces deux dernières décennies. Ainsi, la traditionnelle dichotomie "machiste" entre homosexuels "actifs" et "passifs", si présente dans les pays méditerranéens et latins, tend à disparaître dans la population homosexuelle, jeune, citadine, éduquée, et appartenant à la moyenne et haute bourgeoisie.
Pourtant, nous avons pu observer que pour d'autres homosexuels, le modèle à suivre reste encore le modèle hétérosexuel, binaire homme/femme, modèle type de la relation des éléments mâles dominateurs sur des éléments femelles, que l'on retrouve encore très souvent dans toutes les catégories sociales de la société turque.

Quel rôle aura le mouvement associatif turc au cours des prochaines années?

   Cependant, beaucoup d'homosexuels masculins Turcs se considèrent aujourd'hui comme de "vrais hommes", prenant leurs distances avec la caricature habituelle des homosexuels efféminés, volages, inconséquents et immatures que les médias ont diffusé comme étant "l'image officielle" des homosexuels, et adoptent une attitude, reconnue comme étant traditionnellement et culturellement celle du mâle. Ils représentent ainsi une nouvelle typologie sexuelle, que nous connaissons déjà en Occident, et ont adopté le mot "gay", dans lequel se reconnaissent les définitions d'identité de genre et de culture. Stephen Murray, sociologue américain, admet volontiers la nouveauté du concept gay:

" Ce choix du terme gay, porteur d'une idée égalitaire des homosexuels avec les hétérosexuels, mais aussi des gays entre eux (actifs et passifs), est un concept occidental, amorcé dans les années vingt, mais qui a pris une ampleur plus sérieuse à la fin de la seconde guerre mondiale. Jusqu'à cette période, être homosexuel(le) signifiait être un homme très efféminé ou une femme anormalement virile, tandis que par convention culturelle, l'homme masculin et la femme féminine qui avaient des relations sexuelles avec eux se considéraient et étaient perçus comme normaux"(24).

   Paradoxalement, il apparaît que la sexualité, dans le monde islamique, est peut-être plus à appréhender sous l'angle de celui (ou celle) qui prend du plaisir, et de celui (ou celle) qui se soumet à l'autre, plutôt que sous l'axe hétérosexualité / homosexualité que nous connaissons en Occident. Cette contradiction a alors de profondes implications dans la culture islamique, du simple comportement entre hommes jusqu'aux interactions internationales. L'Occident est vu par certains Musulmans comme décadent, non pas par sa plus grande tolérance à l'égard de l'homosexualité, mais plus par l'attitude moins virile et agressive des hommes occidentaux.
Plus que le respect des normes, c'est la discrétion qui protège les désirs érotiques qui iraient à l'encontre de la morale musulmane. Dès lors, cette discrétion et cette recherche permanente de protection tend à empêcher toute mobilisation de personnes partageant les mêmes goûts sexuels dans un souci de reconnaissance sociale. Dans une structure sociale qui sépare les hommes des femmes, les hommes jeunes et/ou efféminés, prêts à assouvir les pulsions des autres hommes, sont tacitement acceptés et ignorés dans les sociétés musulmanes, passées et présentes. Cette indifférence face aux comportements gays occidentaux, ou au contraire, un violent rejet de l'homosexualité masculine se retrouve au sein de la société turque, où les hommes, au carrefour culturel de plusieurs civilisations, se positionnent selon un modernisme à l'occidental auquel ils aspirent, ou se tournent vers les valeurs morales de l'Islam.

   Cela confirme donc qu'il n'existerait pas un type d'homosexuel, mais que l'homosexualité est un mot à mettre au pluriel, les homosexualités, si l'on tend à donner une définition qui englobe les différents courants de cette marginalité sexuelle.
La plupart des gays stambouliotes formulent un discours où les thèmes caractéristiques d'une revendication de type identitaire occupent le premier plan : nombreux sont ceux qui se perçoivent comme appartenant à un groupe minoritaire, victime d'un processus d'exclusion et/ou de marginalisation. A ce sentiment d'exclusion s'ajoute le désir intense de constituer, comme en Europe ou aux États-Unis, une communauté homosexuelle. Parmi les effets de la mobilisation vient en bonne place l'élaboration d'une idéologie de l'identité homosexuelle, ainsi qu'une kyrielle de revendications sociopolitiques pour le droit au mariage, à l'adoption, aux avantages fiscaux accordés aux couples hétérosexuels, à l'abandon des brutalités policières, etc...) légitimant la structuration de cette communauté.

   Se faisant, ce rapprochement avec l'identité gay américaine ou ouest-européenne, permet aux gays d'Istanbul de s'identifier à une communauté plus vaste, mondiale, et ainsi de se sentir moins isolés dans un contexte qui les limiterait à un cadre purement turc et musulman. Nous pouvons constater également que la culture gay occidentale, et particulièrement celle des États-Unis d'Amérique, s'est répandue et continue chaque jour à gagner du terrain, apparaissant comme une des meilleures exportations de l'Occident dans la sphère de l'intimité. Par l'intermédiaire des médias, des programmes d'éducation sexuelle, de l'internet, par les circuits touristiques ou les guides spécialisés, le monde entier se familiarise avec les styles de vie et les comportements des gays occidentaux qui deviennent à leur tour le porte-drapeau de l'identité gay dite "universelle". Ces derniers ont un impact social important puisqu'ils combinent profits économiques et modèles culturels, les associant au plaisir et au désir.

   La mobilisation de ces dernières années en Turquie traduit la prise de conscience identitaire d'un groupe menacé. Ces menaces proviennent par exemple de la montée de courants religieux extrémistes pour qui l'homosexualité est l'ignominie dans l'horreur et le Sida une punition du Divin, par une société turque en pleine crise économique qui ne digère plus de rapides changements sociaux, ou par une homophobie véhiculée par les partis nationalistes, qui voient dans l'homosexualité une menace à l'identité de l'homme turc. Au-delà des changements d'attitude et de l'abandon des schémas classiques de l'homosexualité turque et de sa division hermétique des rôles sexuels, l'acceptation des gays par eux-mêmes a ouvert l'espace public à des lieux de rencontre, offrant une visibilité sociologique jusqu'alors inconnue, et a offert à l'espace privé la voie de la conscientisation par le groupe.

   Le mouvement homosexuel ou plus exactement les différentes associations et les médias homosexuels turcs ont subi, depuis le début des années soixante, la séduction exercée par le modèle qu'offrait la communauté gay et lesbienne américaine. Cet engouement a laissé place, depuis le début de la décennie 1990, à une véritable influence fonctionnant sur le modèle de "politique des identités". Cet ascendant sur l'évolution récente et rapide du mouvement homosexuel turc rend désormais perceptible la visibilité homosexuelle dans le pays, autrement que par les clichés dérisoires véhiculés habituellement. En effet, l'avènement politique des années Özal a permis la diffusion de programmes télévisés privés, et l'ouverture de lieux de rencontre associatifs gay, comme l'association Lambda.

   Le jeune mouvement homosexuel turc, qui revendique son appartenance au mouvement gay et lesbien international semble avaliser comme bon et libérateur tout concept gay venu d'Occident. Il projette ainsi en Turquie des aspirations occidentales, comme le mariage, l'adoption ou la reconnaissance du couple gay ou lesbien, et constitue un combat idéologique qui n'est pas adapté à la situation politique ou sociale de son pays. Il risque ainsi de provoquer un rejet supplémentaire de la population pour avoir voulu brûler les étapes du chemin vers ce qu'on appelle à Istanbul, la "modernité européenne".

   D'ordinaire, on rend légitime une revendication identitaire en démontrant qu'elle est la continuité d'un héritage militant plus ancien, et la manière dont certains des militants homosexuels défendent en Turquie une politique identitaire, les procédures par lesquelles ils fondent la légitimité de nouvelles pratiques militantes, méritent toutefois de souligner leur courage et leur volonté des militants. Le discours des militants gays turcs est une première dans l'histoire du pays, qui s'inscrit dans une étape nouvelle de relations et de respect entre tous les citoyens de ce pays.
Istanbul, bien plus que n'importe quelle autre ville turque, se présente comme la mégapole culturelle de la Turquie, et reste la vitrine occidentale du pays, creusant chaque jour le fossé entre son cosmopolitisme et les autres régions du pays, figées dans des valeurs ancestrales, dont l'honneur et le souci du jugement de l'autre n'ont pas diminué. Pour de nombreux homosexuels turcs, Istanbul reste la seule porte de sortie pour échapper à l'isolation et à la ségrégation dont ils sont l'objet dans leurs régions natales.

   Cette nouvelle orientation très américaine et occidentale du comportement identitaire des gays turcs, ne risque pas d'amener les homosexuels d'Istanbul à se heurter aux difficultés que connaissent les gays américains et européens aujourd'hui; après avoir lutté durant des années pour créer une force militante et une reconnaissance sociale, ils se retrouvent poussés vers les abîmes du ghetto qu'ils ont eux-mêmes fortifié.

   A notre avis, il reste aux homosexuels turcs à s'inventer une identité qui soit au carrefour des valeurs occidentales auxquelles ils aspirent, reposant sur une cohésion sociale dont les coutumes et traditions issues de l'Islam semblent être les points d'assises. En somme, l'identité des homosexuels turcs, si cela se manifeste, serait alors à l'image de leur pays, c'est à dire à la croisée des chemins, entre l'Orient et l'Occident.


Notes

  • 1. "Tout est fait, Rien n'est dit".
  • 2. Selon les articles 430 et 431 du Code pénal. Cf. ÖZBEY, Savas: "TCK'da cinsel devrim" (changement sexuel dans le code pénal turc), Gazete Pazar, du 22 mars 1998
  • 3. SCHMITT, Arno et SOFER, Jehoeda: Müsülman toplumlarda Erkekler arasi cinsellik ve erotizm (érotisme et sexualité parmi les hommes dans la société musulmane), éditions Kavram, Istanbul, 1995, pp.15-16.
  • 4. BOSWELL, John, Christianity social tolerance and homosexuality, University of Chicago, Chicago: University of Chicago Press. 1980.
  • 5. Jim Wafer, dans Mahomet and male homosexuality, in MURRAY, Stephen O, ROSCOE, Will, Islamic Homosexualities, New-York University Press, New-York et Londres, 1997, p.87.
  • 6. SCHMITT, Arno et SOFER, Jehoeda, Müsülman toplumlarda Erkekler arasi cinsellik ve erotizm (traduction de l'anglais Sexuality and Eroticism among Males in Moslem societies), éditions Kavram, Istanbul, 1995, p. 8.
  • 7. Pour s'adresser à un garçon de café, un client pourra utiliser le lexème koç (littéralement bélier) qui, par métonymie, flattera la virilité du serveur. Une femme n'utilisera jamais ce mot car elle conforterait de façon trop évidente l'individu dans sa seule dimension sexuelle, et serait alors soumise aux propositions à caractères sexuels en retour.
    8. YÜZGÜN, Arslan: Türkiye'de escinsellik, Dün, Bugün (Homosexualité en Turquie, hier et aujourd'hui), chapitre No8, Homosexualité et Médecine, éditions Hüryüz yayincilik, Istanbul, 1986, pp 345-367.
  • 9. L'arabe fait une distinction lexicographique et sociale importante entre les mots facil (actif, celui qui fait), et mafcul (passif, celui qui reçoit).
  • 10. L'argot américain connaît cependant deux lexèmes, en ce qui concerne les lesbiennes: on parle communément de lipstick (rouge à lèvre), pour la lesbienne féminine, et de butch (bouchère), pour sa compagne plus masculine..
  • 11. Ce comportement des jeunes adultes en Turquie, ressort d'une enquête menée par la journaliste ÇINAR, Nilay: Cinsel tabular yikiliyor (les tabous sexuels s'effondrent), du journal "Sabah" du 27 janvier 1997.
  • 12. Chiffre fourni à l'occasion du 14ème recensement de la République Turque le 30 Novembre 1997.
  • 13. Le Docteur Sahika Yüksel a publié ses chiffres pour la première fois pour le magazine Aktüel, dans un article signé de ERCAN, Seda: "Her 12 kadindan biri lezbiyen" (une femme sur douze est lesbienne), du magazine Aktüel du 12 novembre 1998.
  • 14. Le substantif gay, que nous retrouvons tout au long de notre recherche n'est pas un néologisme de cette fin de siècle, mais fait partie de ces nombreux lexèmes français du XVème, XVIème et XVIIème siècles que l'anglais a emprunté et restitué au hasard de l'histoire et des échanges linguistiques.
  • 15. Le séminaire menée à l'EHSS de Paris, par Madame Françoise Gaspard, sur les homosexualités, est, à notre connaissance, le seul séminaire réalisé en France sur ce sujet.
  • 16. La lettre grecque Lambda, , porte en elle plusieurs significations. Avant tout, elle représente, par sa typographie, le graphème de l'équilibre et de la balance, puisqu'il repose sur deux pieds. Les Grecs considéraient en effet que la balance était l'instrument nécessaire pour contre-balancer des forces opposées en présence l'une de l'autre. Le crochet formé au pied de la jambe droite de la lettre lambda représente le point d'appui de cet équilibre nécessaire à la balance.
    Pour les Spartiates, lambda indique l'unité. Par là même, ils pensaient qu'aucun individu n'avait le droit de s'ingérer dans les libertés individuelles des autres citoyens.
    Les Romains adoptèrent cette lettre comme symbole de la lumière de la connaissance surplombant les ténèbres de l'ignorance.
    En chimie, c'est le symbole qui représente la particule du plus petit élément libre constitué, mais également celui de l'échange d'énergie. Plus près de nous, lambda serait la première lettre du mot "Libération", emprunté au français et aux valeurs révolutionnaires qu'il véhicule. C'est ainsi que , avec toutes ces définitions et paraboles, est une lettre que les mouvements de libération gay se sont appropriés, puisqu'ils recherchent énergiquement un équilibre (balance) dans la société, en s'efforçant de garantir les droits et libertés individuelles par la connaissance et le savoir. En 1974, ce symbole a été adopté officiellement par la réunion internationale, tenue à Edimbourgh (Ecosse), et portait en lui les valeurs de liberté, et de reconnaissance officielle du fait homosexuel dans les sociétés modernes. Sources: GOODWiN, Joseph P: "More man than you'll ever be": Gay Folklore and Acculturation in Middle America, Indianapolis: Indiana University Press, 1989, p.26.
  • 17. Monsieur Turgut Akintürk, qui a présidé une commission sur le mariage des homosexuels en Turquie, considère le mariage entre individus de même sexe comme un avilisement de la personne humaine, et estime que la société turque n'est pas mûre pour accepter de telles modifications sociales. Sources: Escinsellere evlilik hakki (droit au mariage pour les homosexuels), du journal Cumhuriyet du 26 février 1998.
  • 18. L'association Lambda collabore aux Etats-Unis avec l'association GLAAD, Gay and Lesbian Association Against Diffamation, est présente également sur le réseau internet, à l'adresse: http://www.glaad.org. Les responsables de cette association font parvenir aux abonnés un e-mail hebdomadaire, reprenant les dossiers des gays et des lesbiennes en Amérique du Nord, que ce soit dans des licenciements abusifs, des discriminations dans les programmes télévisés ou des revendications sociales de la communauté.
  • 19. Selon la Turkish AIDS Prevention Foundation, sur les 547 personnes recensées en Turquie comme porteuse du virus HIV, il y aurait 62 homosexuels. Sources:The Bulletin of AiDS Prevention Foundation 1996: 14-15).
  • 20. Si l'on regarde le programme mis en place dans les trois grandes villes turques (Istanbul, Ankara et Izmir), contre le sida, on constate que les brochures distribuées en 1995 dans les lycées par le Ministère de l'Education Nationale conseillait de s'abstenir de toutes relations sexuelles avec des homosexuels, pour se protéger de la maladie. Lambda a combattu avec succès cette équation de systématisation entre homosexuel et sida, et les brochures ont été retirées de la distribution scolaire. Sources: "aids ve escinsellik" (sida et homosexualité), anonyme, dans la revue Kaos, mai 1997
  • 21. sur les cinq chaînes (TRT1, TRT2, TRT3, TRT4, TRT-INT) du réseau public et national de la TRT.
  • 22. Dans sa charte des libertés individuelles, l'ÖDP est le seul parti politique officiel en Turquie a prendre explicitivement position en faveur des gays et lesbiennes. Dans ses statuts, l'ÖDP prévoit aux articles 30 et 31 de "combattre la discrimination exercée à l'encontre d'un individu à cause de son orientation sexuelle". Le RDYP, Radikal demokratik Yesil Partisi (parti radical démocratique et écologique) reprend également les articles 30 et 31 de l'ÖDP. L'ÖDP a cependant régulièrement plus de voix que le RDYP..
  • 23. L'adresse internet est: http://www.qrd.org/qrd/www/world/europe/turkey/.
  • 24. MURRAY, Stephen O, ROSCOE, Will, Islamic Homosexualities, New-York University Press, New-York et Londres, 1997, pp.3-11.


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