Article du groupe "Psychanalyse et Politique" (fondé par Antoinette Fouque ) paru dans Le Torchon brûle n°3, (Le Torchon brûle (France) était le journal du MLF entre 1971 et 1973).

 

D'une tendance ...

 

Ce texte n'est ni un manifeste politique, ni une affiche électorale, c'est une information sur le travail et la pratique d'un grand nombre d'entre nous.

 

Ces femmes ne sont pas constituées en groupe fermé, nommé comme on a pu le prétendre: "groupe psychanalyse''.

 

Il n'y a pas de "groupe psychanalyse", c'est une manière de réduire une tendance politique du mouvement. Cette tendance lutte pour la libération des femmes à travers des réunions et des activités diverses, par une pratique, à la fois et en même temps sociale et idéologique.

 

Ces différents niveaux de pratique, pour ne pas être aveugles anarchistes, dogmatiques, faussement révolutionnaires, idéalistes (du trotskysme au féminisme) interpellent, interrogent, soumettent à la question, et pourquoi pas à la torture,

 

- dans la lutte politique, idéologique et sociale le seul discours théorique qui existe à ce jour sur la lutte des classes, et les révolutions prolétarienne et culturelle: les textes du matérialisme historique et dialectique (Marx, Lénine, Mao),

- dans la lutte idéologique et sexuelle le seul discours qui existe à ce jour sur la sexualité et l'inconscient: discours de la psychanalyse (Freud, Lacan) et sémiologie.

 

Il ne s'agit à aucun moment de privilégier ces textes dits "théorique " par rapport à notre pratique, mais de se donner les instruments de penser cette pratique afin de ne pas rester prisonnières d'une idéologie bourgeoise, masculine ou de son inversion contre-idéologique (le féminisme comme envers de l'humanisme dans une même clôture).

 

Nous travaillons à partir d'une pratique:

 

- interne au MLF: prise de parole, prise de conscience, prise de corps, analyse de nos contradictions et de l'inconscient,

- externe au MLF: constitution d'une force politique révolutionnaire; lutte dans les lieux de travail et dans les institutions - à l'université (démission de charge honorifique, dénonciation d'un état de la recherche scientifique) - dans les institutions psychanalytiques - au Plessis-Robinson...

Interne/externe, dedans/dehors, ne sont à voir ici que comme les deux versants toujours dialectisés d'une même pratique.

 

Les instruments de pensée qui existent déjà sont marqués par le signe bourgeois et masculin comme tout ce qui nous entoure, comme le langage le plus commun (il n'y a pas de langage neutre): ils le seront jusqu'à ce que nous les ayons déconstruits, analysés pour les dépasser. Ce qui nécessite qu'ils soient retraversés.

 

On n'invente pas à partir de rien, il n'y a pas de génération spontanée, on ne travaille pas dans le neuf.

 

A partir de nos contradictions matérielles concrètes, à ras du sol, à ras des corps, nous transformons laborieusement la réalité sociale politique idéologique qui nous censure en une réalité où les femmes ont leur place, non subordonnée à celle des hommes ou à la masculinité de certaines femmes. Cette transformation est un procès de production continue de connaissances par/sur/pour les femmes en vue de la prise du pouvoir par toutes les forces opprimées.

 

Pas plus que la dictature de la masse prolétarienne n'est une dictature fasciste, le pouvoir collectif des femmes ne sera le pouvoir mâle.

 

Le pouvoir des femmes n'est pas un pouvoir légal, patriarcal, sadique, pédérastique, de représentation, de chef, de nom, de viol, de répression, de haine, d'avarice, d'avoir, de savoir, d'ordre, d'individualisme, d'idées abstraites.

 

C'est un (im)pouvoir matriciel d'engendrements, de dépenses, de chaos, de différences, de libertés collectives, d'ouverture, de corps (pluriel), de re-connaissances, de levées de censures, de jouissances, d'en dehors de la loi, un pourvoir-agir-penser-faire par/pour toutes, tous.

 

Cette tendance n'a pas à prendre de nom, elle est un lieu permanent et ouvert où se propose, par ce que chacune y apporte, des moyens de penser et d'agir. Des réunions ont lieu tous les vendredi soir.

 

Projets:

 

- un week-end de discussion sur les différentes conceptions du Mouvement

- une rencontre européenne au printemps pour essayer de repérer l'originalité des mouvements en Europe et renforcer notre force politique