Il n'a pas été possible de garder la mise en page proposée dans ce numéro de Libération (France)
du jeudi 21 février 1974, page 6

 

Faut-il vraiment soigner les 85% de la moitié du ciel?
Qu'est-ce que l'hétérosexualité (1) pour une femme ? Comment et pourquoi se manifeste-t-elle ? 85 % des femmes sont hétérosexuelles' et aucun livre à prétention «scientifique » n'a jamais paru sur ce sujet, alors que l'homosexualité féminine a fait couler beaucoup d'encre.

Conscientes de ce problème, un groupe de lesbiennes « libérales et bien sous tous rapports » s'est proposé de faire éclater tout préjugé et de contribuer à une recherche « objective » sur le « phénomène hétérosexuel », tellement exploité par la publicité, les revues et films pornos.

En effet, voici le genre de questions stupides que nos « soeurs » hétérosexuelles s'entendent poser tous les jours.

l'hétérosexualité est-elle une maladie qu'il faut soigner?

Certains cas d'hétérosexualité sont-ils d'origine hormonale ?

Le plus souvent, cette conduite sexuelle a-t-elle une origine psychique ?

Est-elle due à des traumatismes causés par des rapports avec des femmes au cours de l'enfance ou de l'adolescence ?

Est-ce par peur ou par dégoût des femmes qu'elles sont devenues hétérosexuelles ?

Ne cherchent-elles pas à ressembler à des travestis ? (maquillages, « féminisation »)

Ont-elles des singularités physiques susceptibles d'expliquer leur cas (vagin particulièrement profond, etc.)

Mais que peuvent-elles bien faire avec un homme ?

Ont-elles besoin pour jouir de substituts féminins (clitoris, seins artificiels chez leur partenaire) ? Cherchent-elles à imiter le couple homosexuel ?

 

Pensent-elles que dans une société où les rapports de classes hommes/femmes seront abolis l'hétérosexualité disparaîtra d'elle-même?

Nous répondons non, les hétérosexuelles ne sont ni des malades, ni des anormale. Elles constituent un groupe sociologique majoritaire mais opprime.

Le problème de l'hétérosexualité ne doit plus se poser en termes de psychologisme bêtifiant et fascisant mais en termes politiques: reconnaissance de l'Autre comme semblable, quelle que soit sa race, sa couleur, sa tendance sexuelle.

Nous imposerons pour toutes et tous le droit à la différence.

Un groupe de lesbiennes

 

 

P.S. Il est bien entendu que ceci ne constitue pas une « déclaration de guerre » aux femmes dites « normales » mais la dérision d'un « totalitarisme sexuel » dont - hélas! - une bonne partie de « I'extrême-gauche » n'est pas exempte.

Nous attendons outre d'éventuelles injures des lettres de femmes homosexuelles souhaitant se regrouper lutter bref mêler leurs vastes rires !

(1) Hétérosexualité: rapports sexuels entre un homme et une femme.

L'IMACULEE CONCEPTION
La reproduction sans mâle sortira un jour des laboratoires d'université. En ce moment, une femme ne peut faire des enfants toute seule ou avec une autre femme qu'elle aime. Pourtant l'union de l'ovule avec le spermatozoïde n'est pas le seul moyen de reproduction des êtres sexués; un autre moyen est expérimenté depuis quelques années dans des laboratoires: le « clone », c'est-à-dire la reproduction asexuée pour laquelle l'élément indispensable est l'ovule.

Les cellules sexuelles ont 23 chromosomes chacune. Les chromosomes déterminent l'épaisseur des cheveux, la couleur des yeux, les caractéristiques du corps, etc. Les cellules du corps, dans leur état actuel, font la peau, les muscles, les os, etc. Chaque cellule de notre corps contient 46 chromosomes, toute l'information nécessaire pour former un double de nous-mêmes. Elles peuvent être utilisées pour la reproduction asexuelle.

 

Dans la reproduction sexuelle, I'union de deux « gamètes », mâle et femelle, donne un zygote compose de 46 cellules. Avant que le processus de fertilisation n'ait été étudié avec des microscopes électroniques, on croyait que le spermatozoïde pénétrait l'ovule et qu'une fois réunis les 23 chromosomes du mâle et les 23 de la femelle, la reproduction commençait. Mais les généticiens ont découvert que, « contrairement à l'opinion courante, le spermatozoïde ne pénètre pas dans l'ovule, mais plutôt l'ovule avale le spermatozoïde. Les femmes ont le rôle actif dans la reproduction. Le spermatozoïde agit comme stimulant pour déclencher le processus. Par conséquent, il est possible de trouver un stimulus-substitut, tel que le bout d'une aiguille, pour obtenir le même résultat et arriver à une parthénogénèse artificielle.»

Une autre découverte a été faite. Le cytoplasme (la matière qui entoure le noyau de l'ovule) agit comme un centre de contrôle qui indique au noyau le moment où il faut commencer la division et créer les cellules nouvelles pour former un nouvel être humain. Aussitôt qu'un autre ensemble de 23 chromosomes est introduit, le cytoplasme est programmé chimiquement pour commencer la division du noyau.

Le spermatozoïde n'est donc pas nécessaire pour commencer la reproduction. L'ovule est la base de la vie et ne peut pas être fabriqué artificiellement. Ce qui est nécessaire pour ,a reproduction est un ovule, un deuxième gamète (pas nécessairement mâle, à moins que vous ne souhaitiez un enfant mâle) et le bout d'une aiguille. On peut prendre une cellule d'une partie quelconque du corps et implanter le noyau de cette cellule dans le cytoplasme de l'ovule. Ceci est le « clone » proprement dit. Le centre de contrôle dans l'ovule déclenche automatiquement la division.

On peut aussi utiliser, outre le gamète sexuel d'une autre femme, n'importe quelle cellule de son corps. Cette dernière forme serait comme une insémination artificielle, ou plutôt une « in-ovulation ».

Deux femmes peuvent donc se reproduire de ces deux façons sans le gamète mâle.

NOTES

La citation est extraite de Paul B. Weiss, «The Science of Biology » (Mc Grawhill, 1969). Le clone a été pratiqué pendant des années sur des animaux dans l'université d'Oxford, par le docteur J. B. Gurdon. Le professeur Kurt Hirschorn, de l'école de médecine Mt Sinaï de New York, dit que «le clone sera appliqué à l'espèce humaine beaucoup plus tôt que les gens ne le croient ».

(Extrait de l'article de Michela Griffo

Cloning: a recycling or an answer to copulation? The Furies lesbian/feminist monthly, mai 1972)